La victoire de Barack Obama sur l'assurance maladie pourrait l'inciter à poursuivre sur sa lancée réformatrice, mais la difficile adoption de ce texte pose la question du capital politique restant au président américain pour appliquer son programme en pleine année électorale.

«Ce soir, nous avons répondu à l'appel de l'Histoire comme tant d'Américains l'ont fait avant nous», a déclaré dimanche le président après que la Chambre des représentants eut enfin adopté une loi censée étendre la couverture maladie à 95% des Américains.

M. Obama s'est beaucoup exposé sur ce dossier dont il avait lancé le chantier il y a un an, et auquel des présidents se sont frottés sans succès depuis près d'un siècle. Sa victoire en devient d'autant plus éclatante.

A l'avenir, «nous le verrons comme un vote historique», souligne Dan Shea, professeur de sciences politiques à l'université Allegheny (Pennsylvanie, est).

Cet arsenal législatif, qui permet à 32 millions d'Américains supplémentaires d'être couverts et qui encadre plus strictement les compagnies d'assurance, «va changer les relations entre le gouvernement et les administrés, et le rôle de l'Etat dans la santé», explique M. Shea.

Lorsque M. Obama promulguera cette loi, «sauf événement majeur, cela pourrait être l'instant le plus important de son premier mandat, et même de sa présidence», renchérit Costas Panagopoulos, professeur de sciences politiques à l'université de Fordham (New York, nord-est).

Porté au pouvoir sur une promesse de «changement», le premier président noir des Etats-Unis a connu une passe difficile début 2010 avec une perte au Sénat de la majorité qualifiée des démocrates. Ces alliés de M. Obama pourraient retrouver le moral.

«La victoire d'Obama sur la réforme de la santé renforce sa réputation de quelqu'un qui parvient à faire bouger les choses, et met en évidence le fait qu'il ne peut s'attendre qu'à très peu, voire pas du tout de soutien des républicains», analyse Thomas Mann, expert en sciences politiques de l'institut Brookings.

Une défaite sur l'assurance-maladie aurait pu stopper net les ambitions réformatrices de M. Obama; il veut encore réguler le secteur financier, lutter contre le réchauffement climatique et remettre à plat la législation sur l'immigration.

Selon M. Mann, le président «va être ferme face aux républicains et les mettre au défi de bloquer la réforme financière». Toutefois, sur l'environnement et l'immigration, «il faudra une coopération sérieuse des républicains. Je ne vois pas cela se profiler de sitôt».

La victoire de dimanche, au terme d'une bataille âpre et «sale» pour un plan devenu impopulaire, comme l'a reconnu lui-même M. Obama, porte elle aussi un coût politique. Le camp démocrate était divisé et le président a dû aller chercher certaines voix une par une.

En outre, les républicains ont promis de continuer à se battre contre un projet qualifié de coûteux et liberticide, lors de la campagne électorale en vue des consultations législatives de novembre, quand l'ensemble de la Chambre et le tiers du Sénat seront renouvelés.

«Ce vote, et l'adoption de cette loi, ne sont pas la fin du débat sur la réforme de la santé», remarque M. Panagopoulos, en prédisant que ce sujet constituera «le thème principal de la campagne».

Le chef de la minorité au Sénat, Mitch McConnell, qualifiant la réforme de «monstruosité», a d'ailleurs affirmé que son adoption «marqu(ait) le début d'un retour de bâton pour les démocrates de Washington», qui «ont perdu la confiance des gens qui les ont élus».