Une commission du Congrès américain a reconnu jeudi le «génocide» des Arméniens commis sous l'Empire ottoman, ignorant les mises en garde de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton et d'Ankara, qui a immédiatement rappelé son ambassadeur en poste à Washington.

Par 23 voix contre 22, la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants a adopté une résolution qui qualifie de «génocide arménien» les massacres commis entre 1915 et 1923.

Le texte, qui n'a pas force de loi, appelle le président américain à «qualifier de façon précise de génocide l'extermination systématique et délibérée de 1 500 000 Arméniens».

Le président de la commission, Howard Berman, a estimé que «rien ne justifie que la Turquie ignore la réalité du génocide arménien».

Ce vote intervient après que Mme Clinton, citée par le porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC) Michael Hammer, eut averti que l'adoption de cette résolution «pourrait dresser des obstacles devant la normalisation des relations» entre la Turquie et l'Arménie.

Les Etats-Unis sont favorables à «une reconnaissance entière, franche et juste des faits liés aux événements historiques de 1915», avait indiqué juste avant le vote le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley. «Nous nous inquiétons de l'impact possible (de la résolution) sur les pays affectés», avait-il ajouté.

La résolution peut désormais faire l'objet d'un vote devant la Chambre dans son ensemble. Mais cette prochaine étape dépend de la direction démocrate de l'assemblée, qui ne s'est jusqu'à présent pas engagée à faire adopter la résolution en séance plénière.

Dans les minutes qui ont suivi le vote, la Turquie a rappelé son ambassadeur aux Etats-Unis «pour consultations».

«Nous condamnons cette résolution qui accuse la nation turque d'un crime qu'elle n'a pas commis», a déclaré le gouvernement turc dans un communiqué. «A la suite de cet incident, notre ambassadeur à Washington, Namik Tan, a été rappelé à Ankara pour consultations».

Ankara avait multiplié les pressions pour empêcher le vote d'une telle résolution. Le président turc Abdullah Gül a téléphoné mercredi soir à son homologue américain Barack Obama à ce sujet, tandis que le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu pressait les parlementaires américains de voter «non» à la résolution.

La question d'un génocide arménien est un champ de mines diplomatique.

Les Arméniens, représentés par une importante diaspora aux États-Unis, font pression pour que soient reconnus comme génocide les massacres et déportations qui, entre 1915 et 1917, ont tué selon eux plus d'un million et demi d'entre eux.

La Turquie reconnaît qu'entre 300 000 et 500 000 personnes ont péri, non pas victimes d'une campagne d'extermination mais selon elle dans le chaos des dernières années de l'Empire ottoman.

Elle récuse la notion de génocide reconnue par la France, le Canada ou le Parlement européen.

M. Obama, qui avait promis lors de sa campagne électorale la reconnaissance du génocide arménien, a renoncé à employer ce terme peu après son élection, alors que les Etats-Unis soutiennent les efforts de «normalisation» en cours pour une ouverture de la frontière et l'établissement de relations diplomatiques entre la Turquie et l'Arménie.