Les États-Unis ont menacé de ne plus travailler avec les institutions de l'UE sur la question des échanges de données bancaires pour la lutte antiterroriste, en cas de veto du Parlement européen la semaine prochaine à un accord controversé sur cette question.

«Si le Parlement européen s'oppose à cet accord» permettant à Washington d'avoir un droit de regard sur les données bancaires des citoyens européens, «je ne suis pas certain que les autorités américaines souhaiteront de nouveau discuter du sujet au niveau de l'Union européenne», a écrit l'ambassadeur américain auprès de l'UE, William Kennard, dans une lettre obtenue par l'AFP.

Cette lettre a été adressée au président du Parlement européen Jerzy Buzek et aux chefs des différents groupes politiques qui le constituent.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a pris l'initiative d'appeler elle-même M. Buzek et la haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, pour leur faire de l'inquiétude des États-Unis en cas de rejet de cet accord, selon une source européenne.

Le Parlement pourrait rejeter la semaine prochaine, lors d'un vote prévu jeudi à Strasbourg, l'accord qui permet aux autorités américaines d'accéder aux informations du réseau interbancaire Swift.

Selon de nombreux parlementaires européens, cet accord n'offre pas assez de garanties pour la protection de ces données privées. Ils y voient une intrusion excessive.

«Ce serait une énorme déception pour nous», si le Parlement rejetait cet accord, a insisté M. Kennard en suggérant que Washington pourrait alors négocier de façon bilatérale avec les États européens pour continuer à en profiter.

«Un échec de l'accord temporaire actuellement en vigueur pourrait mettre en péril notre partenariat en vue de contrecarrer des réseaux terroristes dans un avenir proche», a-t-il mis en garde.

Les gouvernements de l'Union européenne sont tombés d'accord le 30 novembre pour signer un accord intérimaire permettant aux États-Unis de continuer à consulter les données bancaires de leurs citoyens dans le cadre du programme de surveillance du financement du terrorisme.

Cet accord provisoire, prévu pour durer neuf mois, devait entrer en vigueur le 1er février. Il permet au département du Trésor américain de continuer - comme il le fait depuis les attentats de septembre 2001 - à accéder aux informations bancaires gérées par Swift.

Cette société privée traite les flux financiers de près de 8 000 banques dans le monde.

Les Américains ne sont pas les seuls à s'inquiéter d'un éventuel rejet de l'accord. «C'est vrai qu'il y a des enjeux» en matière de lutte antiterroriste, a confié un diplomate européen. Il s'agit d'«une question de sécurité pour l'Europe et les États-Unis», a-t-il souligné.

Dans un rapport confidentiel remis à des députés européens et dont l'AFP s'est procuré une copie, l'ancien juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière a décrit le programme comme «une source de grande valeur pour des informations fiables destinées à la protection de l'Europe et des citoyens européens».

L'analyse des données Swift a notamment permis de déjouer des attentats contre des avions américains à partir du Royaume-Uni en 2006, de démanteler un réseau lié à Al-Qaeda en Allemagne en 2007 et un autre en Espagne en 2008.