La semaine du premier anniversaire de Barack Obama à la Maison Blanche a été rude pour le président et sa majorité démocrate. La perte du siège du défunt sénateur Kennedy et la décision de la Cour suprême de lever les limites au financement des campagnes électorales par les entreprises sonnent comme des avertissements, à quelques mois des élections de mi-mandat.

Barack Obama a estimé samedi que l'arrêt de la Cour risquait de compromettre des changements cruciaux pour la société, comme les réformes financières, la suppression de niches fiscales, l'indépendance énergétique et la protection contre les abus des assureurs. Je ne peux «penser à rien de plus dévastateur pour l'intérêt public» que d'ouvrir ainsi les vannes au lobbyisme industriel, a-t-il dit.

«Nous n'avons pas besoin de donner encore plus de voix aux puissants intérêts qui ont déjà noyé les voix des Américains ordinaires. Et nous n'avons pas l'intention de le faire», a-t-il prévenu, précisant qu'il avait demandé au gouvernement et au Congrès de «se battre pour le peuple américain» et d'élaborer une ôôréponse énergique et bipartisane», c'est-à-dire un consensus démocrate-républicain. «Ce sera notre priorité jusqu'à ce que nous ayons réparé les dommages commis.»

«Je ne vais pas renoncer juste parce que c'est difficile», a-t-il lancé vendredi soir, «il y a des choses qui doivent être faites». Il a dit «comprendre» que les Américains se demandent, ôôqu'est-ce que cela veut dire pour Obama? est-il affaibli? Est-il, oh, comment va-t-il survivre à cela?» «Mais je veux que vous compreniez qu'il ne s'agit pas de moi, il s'agit de vous», a-t-il conclu.

La décision de la Cour suprême risque de favoriser avant tout les républicains, traditionnellement soutenus par les grandes entreprises. Or les partis politiques ont déjà entamé la campagne électorale pour les élections de mi-mandat de novembre, où le parti du président perd traditionnellement des points. L'avenir des démocrates s'assombrit, après les gros scores de 2006 et 2008.

Pour John Feehery, l'un des stratèges du Parti républicain, le vent a commencé à tourner dès l'été avec les attaques contre la réforme de santé, et cela s'est poursuivi avec la perte des postes de gouverneur du New Jersey et de Virginie en novembre, puis celle, hautement symbolique, du siège sénatorial détenu par Ted Kennedy depuis 1962 jusqu'à sa mort en août 2009, dans le Massachusetts.

Dans ce scrutin, la candidate démocrate a été très absente tandis que son adversaire Scott Brown a su tirer profit de l'inquiétude et de l'impatience des électeurs, confrontés au chômage, à la crise économique, opposés à la réforme de l'assurance-maladie ou déçus par le président.

Son élection prive Barack Obama de la «supermajorité» au Sénat américain. Les républicains détiennent désormais 41 des 100 sièges, retirant aux démocrates la majorité qualifiée de 60 sénateurs -les 58 démocrates plus deux alliés indépendants- qui empêchait l'opposition de déployer tout l'arsenal d'obstruction parlementaire.

C'est un coup d'arrêt à la réforme-phare de la présidence Obama qui visait à pourvoir la quasi-totalité des Américains d'une assurance-maladie et que le chef de la Maison Blanche espérait promulguer avant son discours sur l'état de l'Union le 27 janvier.

Les démocrates peuvent encore tenter d'exploiter les règles anti-obstruction pour faire passer au Sénat un texte faiblement amendé, ou assouplir significativement certaines dispositions pour obtenir quelques voix républicaines. La Maison Blanche et les chefs de file du Congrès espéraient s'entendre sur la stratégie ce week-end mais des désaccords entre démocrates à la Chambre des représentants les en ont empêchés.

A ce sombre tableau s'ajoute l'opposition montante du Sénat au renouvellement du mandat du président de la Banque centrale américaine, Ben Bernanke, soutenu en revanche par Barack Obama.

Jusque-là, ce n'est pas la panique au Parti démocrate. Ses analystes tablent sur une grosse vingtaine de sièges en moins à la Chambre des représentants en novembre, peut-être pire, mais peu estiment que le Parti de l'Ane puisse perdre les 40 sièges qui donneraient la majorité aux républicains. C'est encore moins probable au Sénat, dont un tiers sera renouvelé. Pour les élections de l'automne, de nombreux élus démocrates souhaitent mettre l'accent cette fois, non plus sur la réforme de santé, mais sur l'emploi.

Par ailleurs, tout n'est pas rose non plus pour le Parti de l'Eléphant. Il entame la campagne avec moins d'argent que les démocrates, et les sondages suggèrent que les Américains lui font moins confiance pour prendre les bonnes décisions, tandis que la popularité personnelle de Barack Obama reste élevée.

Les républicains doivent aussi composer avec les conservateurs indépendants qui ont participé à la victoire du Massachusetts mais provoqué la division et la défaite de la droite en novembre à la Chambre des représentants de l'Etat de New York.