Le chef du renseignement militaire de l'Otan en Afghanistan fustige dans un rapport au vitriol la qualité des renseignements américains à l'utilité «marginale», et somme de centrer les efforts sur la population et son environnement davantage que sur les insurgés.

«Après huit ans de guerre en Afghanistan, la communauté américaine du renseignement n'a qu'une utilité marginale pour la stratégie globale», résume le général américain Michael Flynn dans ce document accablant, publié lundi soir par le Center for a New American Security, un groupe de réflexion de Washington.

Trop occupé à traquer l'ennemi et les bombes artisanales (IED), première cause de mortalité des soldats en Afghanistan, «le renseignement est incapable de répondre à des questions fondamentales sur l'environnement dans lequel opèrent les forces armées et sur les gens dont elles cherchent à gagner le soutien» contre les talibans, ajoute-t-il dans ce document au ton particulièrement sévère.

Dès lors, les analystes ne peuvent que «hausser les épaules lorsque leur hiérarchie leur demande des informations et des analyses nécessaires à une contre-insurrection efficace», la stratégie prônée par le commandement militaire en Afghanistan et qui passe par la «conquête des coeurs et des esprits».

Le rapport du général Flynn sur la branche militaire du renseignement intervient moins d'une semaine après la mort en Afghanistan de sept agents de la CIA dans un attentat-suicide perpétré par un agent double jordanien.

Ces conclusions, combinées à l'attaque réussie contre la CIA, sont d'autant plus alarmantes qu'elles interviennent au moment où les Etats-Unis sont en train d'augmenter massivement leur présence en Afghanistan pour tenter de regagner du terrain face aux insurgés talibans.

Selon le haut gradé, les spécialistes du renseignement déployés sur le sol afghan «ignorent tout de l'économie locale et des propriétaires fonciers», ont une idée «vague de l'identité des vrais chefs et de la manière de les influencer» et «se tiennent éloignés des gens les mieux placés pour obtenir les réponses».

Pour tenter de corriger le tir, le général américain suggère d'inciter les analystes à «bouger sur le terrain, comme le font les journalistes, pour rendre visite sur place à des sources d'information et rapporter ces renseignements aux commandements régionaux».

De même, il encourage les unités militaires sur le terrain à rédiger et partager des rapports sur leurs patrouilles, leurs échanges avec les agriculteurs et dirigeants locaux, ou sur les émissions de radio écoutées par la population.

Comparant la guerre en Afghanistan à une bataille électorale, le général souligne que «pour gagner, les stratèges d'un candidat doivent constamment observer les désirs, tendances, activités et loyautés au niveau local» susceptibles d'être exploités contre l'adversaire.

Les agents doivent «rassembler des informations accessibles à tous», et non pas seulement tirées d'un travail clandestin, souligne-t-il, en citant un ancien directeur de l'Agence américaine de renseignement militaire, pour lequel «le véritable héros du renseignement est Sherlock Holmes, pas James Bond».

Certains à Washington ont accueilli plutôt froidement les remarques du général Flynn.

«Le renseignement doit se concentrer sur la contre-insurrection», mais «à commencer par une compréhension claire des motivations de l'ennemi, de ses forces et de ses intentions», a commenté un responsable du renseignement américain, sous couvert d'anonymat. «Sans cela, on ne va pas avoir beaucoup de succès avec le reste».