Le premier vote du Sénat sur la réforme de la santé s'annonce comme un test de l'unité des démocrates, face à une opposition républicaine soudée pour faire barrage au principal dossier national de la présidence Obama.

Et si le oui l'emporte dimanche, la couverture maladie universelle devra encore franchir plusieurs votes avant de devenir réalité.

Le texte prévoit l'extension de l'assurance maladie à quelque 30 millions d'Américains qui n'en possèdent pas actuellement, en taxant les assureurs et les plus riches. Les assureurs ne pourraient plus refuser de couvrir des personnes présentant des antécédents médicaux ou exclure des assurés qui tomberaient malades.

Les démocrates présentent cette réforme comme une avancée historique et nécessaire, les États-Unis étant le seul grand pays développé qui ne fournisse pas de couverture maladie à toute sa population. La plupart des salariés sont assurés par leur employeur mais 50 des 300 millions d'Américains ne possèdent pas d'assurance maladie.

Les chefs de file de la majorité se voulaient optimistes samedi, sachant toutefois qu'il faudrait les voix des 60 démocrates et indépendants pour l'emporter sur les 40 républicains. Ce premier vote porte uniquement sur l'ouverture du débat sur le projet de loi du chef de la majorité, Harry Reid.

Du coup, un centriste longtemps indécis, Ben Nelson, sénateur du Nebraska, a annoncé vendredi qu'il dirait oui. «Ce n'est pas pour ou contre cette nouvelle proposition de loi du Sénat sur la santé, mais seulement sur l'ouverture du débat et l'occasion d'apporter des améliorations», a-t-il souligné. «Si on n'aime pas cette loi, pourquoi se priver de l'occasion de l'amender?».

Suivant le même raisonnement, la sénatrice de Louisiane Mary Landrieu a annoncé son ralliement à quelques heures du vote. Restait à connaître la décision de Blanche Lincoln, une modérée de l'Arkansas. La sénatrice, qui va devoir se battre pour conserver son siège aux législatives de mi-mandat en novembre, a soigneusement évité de livrer des indices.

Un rejet à la chambre haute du Congrès ne signifierait pas forcément l'enterrement de la réforme, mais jetterait un sérieux doute sur la capacité des démocrates à élaborer un projet commun et à s'unir pour le défendre. En outre, plus le débat s'étend sur 2010, plus la perspective des élections de mi-mandat fragilise les chances du texte.

Pour autant, une victoire démocrate ne garantit pas le passage de la réforme, puisque dire «oui» dimanche n'engage pas sur le vote final. Certains démocrates centristes élus dans des États conservateurs s'inquiètent par exemple d'une éventuelle concurrence de l'État avec les assureurs privés et exigent des garanties de ce que les fonds fédéraux ne serviront pas à l'avortement.

Et si le projet est adopté au Sénat, ce qui devrait prendre des semaines et passera par d'autres votes exigeant au moins 60 voix pour, la version amendée devra encore être fusionnée avec celle qu'a adoptée de justesse la Chambre des représentants au début du mois. Chacune des assemblées devra ensuite se prononcer sur cette synthèse avant qu'elle n'atterrisse sur le bureau du président pour promulgation.

Les républicains restent en tout cas déterminés à faire échec à la réforme. «Ce n'est pas une vraie réforme du système de santé et ce n'est pas ce que veut le peuple américain. Cette loi aboutira à une augmentation des cotisations et des dépenses de santé des Américains. Point», a asséné le sénateur Mike Crapo dans l'allocution hebdomadaire de l'opposition samedi.

La majorité démocrate au Sénat espère cependant l'adoption du projet Reid d'ici la fin de l'année, pour que le Congrès s'attelle à la fusion des textes en janvier.

Les projets de loi comportent des points communs, notamment sur les obligations des assureurs et la création d'une bourse permettant aux entrepreneurs et petits patrons de comparer les offres, dont une offre du gouvernement fédéral à laquelle assureurs et fédérations patronales s'opposent.

Au chapitre des différences, la Chambre des représentants impose aux moyennes et grandes entreprises de couvrir leurs salariés, alors que le Sénat leur réserve une amende si l'État doit payer pour l'assurance maladie des salariés. Les deux chambres du Congrès comptent entre autres sur une économie de plus de 400 milliards de dollars sur Medicare, l'assurance maladie des personnes âgées, pour financer la grande réforme voulue par Barack Obama.