Il faut désormais ajouter le nom de Richard Nixon à la liste des figures historiques peu recommandables auxquelles Barack Obama a été comparé depuis son arrivée à la Maison-Blanche. Fait remarquable: les détracteurs habituels du président ne sont pas les seuls à établir ce lien.

«Je sais que tous les présidents se sont plaints des médias, mais, de mon vivant, aucune administration depuis celle de Richard Nixon n'est allée aussi loin dans ses attaques contre les médias», dit Mike Farrell, spécialiste du Premier amendement à l'Université du Kentucky, lors d'un entretien téléphonique.

«Je ne crois pas que c'est la façon dont une Maison-Blanche devrait gérer ses relations avec la presse», ajoute-t-il.

L'opinion de Mike Farrell ne fait pas l'unanimité, mais elle en dit long sur la controverse soulevée par le traitement que la Maison-Blanche réserve depuis quelques semaines à Fox News, la chaîne d'information câblée la plus populaire et la plus critique à son égard. Certains commentateurs n'hésitent pas à utiliser le mot «guerre» pour qualifier la stratégie de l'administration démocrate, dont la mise en oeuvre a commencé le 20 septembre. Ce jour-là, Barack Obama a accordé des entrevues à tous les réseaux américains, sauf à Fox, pour tenter de convaincre les Américains du bien-fondé de son projet de réforme du système de santé.

Ce boycott a été suivi par une série d'attaques contre Fox News formulées par des membres de l'entourage du président, à commencer par Anita Dunn, directrice des communications de la Maison-Blanche. «En réalité, Fox News agit souvent comme l'unité de recherche ou de communication du Parti républicain», a-t-elle déclaré le 11 octobre sur CNN.

«Puisqu'ils mènent une guerre contre Barack Obama et la Maison-Blanche, nous ne sommes pas obligés de faire comme s'il s'agissait du comportement normal d'une organisation de presse», a-t-elle insisté dans une interview publiée le lendemain dans le New York Times.

Une semaine plus tard, deux autres conseillers du président, David Axelrod et Rahm Emanuel, ont tenu des propos semblables lors d'émissions télévisées.

La virulence des attaques de certains animateurs de Fox News contre Barack Obama ne fait pas de doute. Glenn Beck et Sean Hannity ont notamment qualifié le président de raciste et de socialiste, en entre autres. Or, s'ils colportent souvent des mensonges ou des demi-vérités, ils frappent aussi parfois la cible.

Les dirigeants du New York Times et du Washington Post l'ont d'ailleurs reconnu récemment en promettant de suivre avec plus d'attention le travail de Fox News. Ils faisaient notamment allusion à une histoire qu'ils avaient largement ignorée, celle de Van Jones, ex-conseiller de la Maison-Blanche pour l'environnement, dont Glenn Beck a longtemps dénoncé le passé radical. Considéré comme le premier scalp de l'animateur de Fox News, Jones a démissionné après avoir admis avoir signé en 2004 une pétition réclamant une enquête sur le rôle de l'administration Bush dans les attentats terroristes du 11 septembre 2001.

De l'aveu même de David Axelrod, homme de confiance de Barack Obama (et ancien journaliste du Chicago Tribune), le mea culpa du Times et du Post a contribué à la décision de la Maison-Blanche de passer à l'attaque contre Fox News, qui ne devrait pas selon lui être considérée comme une chaîne d'information.

«Et surtout, les autres chaînes d'information, comme la vôtre, ne devraient pas la considérer comme telle», a précisé Axelrod lors d'une entrevue sur ABC.

Le stratège n'a pas exclu un retour du président devant les caméras de Fox News. Mais l'approche de la Maison-Blanche contre la chaîne de Rupert Murdoch lui a néanmoins voulu d'être qualifiée de «nixonienne» par certains commentateurs respectés, qui ont évoqué la fameuse «liste des ennemis» du 38e président sur laquelle figuraient plusieurs journalistes.

Une comparaison jugée grotesque par le chroniqueur Joe Conason, qui a rappelé «la sale guerre» de l'administration Nixon contre la presse et le Premier amendement, y compris le recours aux agents du fisc pour enquêter sur les finances personnelles de journalistes critiques.

Et que pense Rupert Murdoch de cette controverse qui vise surtout Glenn Beck et Sean Hannity? «Tout ce que je peux dire, c'est que cela a incroyablement augmenté leur audience», a-t-il déclaré lors de l'assemblée générale des actionnaires de News Corp., le conglomérat des médias auquel appartient Fox News.