Même si ses critiques le comparent à Hamlet, le roi des indécis, Barack Obama pourrait invoquer l'imbroglio électoral en Afghanistan pour s'accorder un nouveau délai avant d'annoncer sa décision sur l'envoi de renforts militaires dans ce pays, une des décisions les plus importantes de sa présidence.

«Il serait complètement irresponsable pour le président des États-Unis d'envoyer des troupes supplémentaires, alors que l'élection présidentielle n'est pas achevée et que nous ne savons pas encore qui sera le président et avec quel gouvernement nous allons travailler», a déclaré le président de la commission des Affaires étrangères, John Kerry, lors d'une entrevue diffusée dimanche matin sur CNN.

Le secrétaire général de la Maison-Blanche, Rahm Emanuel, a fait entendre le même son de cloche à la veille de l'invalidation de près d'un million de bulletins en Afghanistan. Selon l'homme de confiance du président Obama, la question n'est pas de savoir «combien de soldats nous allons envoyer, mais si nous avons un partenaire crédible» à Kaboul.

Biden contre McChrystal

S'il n'en tenait qu'aux parlementaires républicains, Barack Obama aurait déjà donné le feu vert à la stratégie proposée par le commandant en chef des forces internationales en Afghanistan, le général américain Stanley McChrystal. Celui-ci réclamerait jusqu'à 45 000 soldats supplémentaires afin de combattre les talibans et empêcher Al-Qaeda de revenir dans un pays où il compterait aujourd'hui moins de 100 militants.

Les déclarations d'Emanuel et de Kerry ont été interprétées comme une nouvelle mise en demeure au président Hamid Karzaï, dont la légitimité est compromise par des accusations de fraudes électorales et de corruption générale. De toute évidence, l'administration Obama n'est pas prête à envoyer des soldats supplémentaires dans un pays où le gouvernement est perçu comme étant illégitime par une partie importante de la population.

En retardant l'heure de la vérité en Afghanistan, le président Obama pourrait également vouloir dégager le terrain à Washington pour sa priorité en matière de politique intérieure, à savoir la réforme de la santé, qui entre dans une phase cruciale au Congrès.

Il pourrait également vouloir se donner plus de temps afin de convaincre le plus grand nombre de parlementaires démocrates du bien-fondé de sa stratégie afghane. On sait déjà que ses principaux conseillers sont divisés sur la nécessité d'envoyer des renforts militaires en Afghanistan. Si le général McChrystal représente un pôle du débat, le vice-président Joseph Biden incarne l'autre. Celui-ci propose de restreindre la mission des forces américaines et de concentrer plutôt les attaques sur Al-Qaeda et les talibans le long de la frontière avec le Pakistan.

Le Vietnam d'Obama?

Selon la presse américaine, le président Obama pencherait vers une stratégie hybride qui aurait pour défenseurs la secrétaire d'État Hillary Clinton et le secrétaire à la Défense Robert Gates. Il dépêcherait ainsi en Afghanistan des renforts moins importants que ceux réclamés par le général McChrystal, tout en intensifiant les attaques sur les bases des islamistes dans les zones tribales frontalières.

Une telle escalade militaire, bien que limitée, s'avérerait impopulaire chez certains parlementaires démocrates, qui craignent que l'Afghanistan ne devienne le Vietnam de Barack Obama, un bourbier militaire destiné à miner son programme social aux États-Unis.