Après plusieurs semaines de tractations, l'influente commission des Finances du Sénat américain tiendra aujourd'hui un vote crucial sur un projet de réforme de la santé qui pourrait ouvrir la porte à un débat houleux et historique en séance plénière. Ce plan pourrait non seulement réduire de 29 millions le nombre d'Américains non assurés, mais également aider les dizaines de millions d'Américains qui sont sous-assurés en raison de l'attitude controversée des compagnies d'assurances.

Le verdict est tombé le 23 janvier 2008, soit six jours avant l'arthroplastie discale que devait subir Kim Kutcher, une ex-infirmière de 44 ans : sa compagnie d'assurance maladie, Anthem Blue Cross, refusait de couvrir les frais de cette nouvelle intervention, qui consiste à remplacer un disque intervertébral par une prothèse.

«La compagnie a justifié sa décision en disant qu'il s'agissait d'une intervention expérimentale, alors qu'elle est approuvée par le gouvernement fédéral depuis le mois d'août 2006», a expliqué Mme Kutcher à La Presse, au cours d'un entretien téléphonique.

Ayant déjà subi plusieurs traitements dans l'espoir vain d'éliminer ses maux de dos, Kim Kutcher a décidé de se faire opérer quand même. Elle entendait contester plus tard le verdict de son assureur. Au fil des mois, elle aura réussi à faire passer la facture de l'hôpital de 137 000 $ à 60 000 $, mais Anthem Blue Cross refuse toujours de lui rembourser ne serait-ce qu'un cent de cette somme.

«Ils ont invoqué toutes les excuses possibles pour refuser de payer», raconte Kim Kutcher, qui vit à Dana Point, en Californie, avec son mari, dont l'assurance maladie devrait en théorie couvrir les soins médicaux de toute la famille.

«Je les hais, ajoute Mme Kutcher en parlant des assureurs privés en général. J'espère que cette industrie finira par mourir.»

Une réforme nécessaire

La réforme de la santé proposée par Barack Obama et ses alliés démocrates du Congrès n'a pas pour objectif d'abattre les compagnies d'assurances, mais elle pourrait aider des personnes comme Kim Kutcher en obligeant les assureurs à couvrir certains traitements ou à s'entendre sur le maximum qu'un assuré pourrait devoir payer de sa poche pour un traitement.

Kim Kutcher fait partie des quelque 25 millions d'Américains qui étaient «sous-assurés», en 2007, selon les dernières données du gouvernement fédéral, soit une augmentation de 60% depuis 2003. Tombent dans cette catégorie tous ceux dont la couverture médicale ne les protège pas contre des dépenses médicales élevées. Ces «sous-assurés» s'ajoutent évidemment aux quelque 47 millions de personnes qui n'ont aucune couverture médicale aux États-Unis.

Robert Floyd, ex-plombier de Williamsport, en Pennsylvanie, s'est également retrouvé dans la catégorie des sous-assurés lorsque sa femme a été obligée de souscrire une nouvelle assurance médicale chez son employeur.

«L'assureur refusait de couvrir les traitements dus à une condition préexistante», explique M. Floyd, 59 ans, qui s'est fait opérer pour des problèmes de rétine et pour un cancer du rein à la fin de 2007. «Non seulement notre couverture médicale nous coûtait plus cher qu'avant, mais il fallait également payer de notre poche tous les traitements pour mon cancer et ma rétine. Nous avons dû nous endetter de plusieurs milliers de dollars avant de trouver une meilleure solution.»

Option publique

La réforme de la santé à l'étude au Congrès interdirait aux assureurs privés de refuser une couverture à cause d'antécédents médicaux.

«Le statu quo ne peut plus durer, dit Robert Floyd. Cela n'a pas de sens. Les assureurs privés peuvent faire ce qu'ils veulent.»

S'il n'en tenait qu'à Kim Kutcher, les États-Unis se débarrasseraient des assureurs privés en adoptant un système de santé à payeur unique. Sachant que son pays n'est pas encore prêt pour un tel modèle, l'ex-infirmière se satisferait d'un régime public qui concurrencerait les assureurs privés.

Barack Obama et plusieurs parlementaires démocrates se sont exprimés en faveur d'un tel système appelé «option publique» dans le jargon politique de Washington.

«La population américaine est largement en faveur de l'option publique, dit-elle. J'espère qu'elle survivra aux marchandages des prochaines semaines et que non seulement les travailleurs pauvres pourront en bénéficier, mais aussi les gens de la classe moyenne comme moi. Nous sommes bombardés de factures médicales.»