«Black is beautiful»: Mattel vient de lancer une nouvelle gamme de Barbie noires, beaucoup plus ressemblantes que Christie, l'amie de couleur de la célèbre blonde, apparue dans les années 60 et qui n'était en gros que le même modèle teint en marron. Les nouvelles poupées, aux lèvres plus remplies, au nez plus large et aux pommettes plus marquées, ne font toutefois pas l'unanimité chez les mamans afro-américaines.

La ligne «So In Style», arrivée le mois dernier dans les magasins américains, comprend trois poupées, Grace, Kara et Trichelle, flanquées de leurs petites soeurs dont elles s'occupent, Courtney, Janessa et Kianna. Chacune possède son propre style et des centres d'intérêt particuliers, mais aussi une teinte de peau différente, café, chocolat ou caramel. Trichelle et Kianna ont aussi des cheveux plus frisés que les autres. La créatrice Stacey McBride-Irby, une jeune maman noire d'une fillette de six ans, voulait que les petites filles noires trouvent des poupées qui leur ressemblent et soient pour elles une source d'inspiration. Les personnages créés s'intéressent à la culture et pensent à leur carrière: Kara, par exemple, est censée aimer les maths et la musique. «Je voulais qu'elles s'identifient à ces poupées et leur montrer que «black is beautiful'« (le noir, c'est beau, le slogan du mouvement des années 60), dit-elle.

Pourtant, certains regrettent que ces poupées aient pour la plupart de longs cheveux raides, insistant ainsi sur des canons de beauté répandus dans la communauté noire qui voudraient qu'une chevelure lisse soit plus jolie. Une norme à l'occidentale qui incite les femmes à dépenser des fortunes pour défriser leurs cheveux crépus à coups de produits chimiques très décapants.

«Pourquoi est-ce que nous mettons toujours en avant cette norme des cheveux longs pour nos filles», demande Gail Parrish, 60 ans, un auteur dramatique qui vit à Alexandria en Virginie, et mère de quatre enfants. «Pourquoi l'une des poupées n'aurait-elle pas une coupe courte afro ou des petites nattes ou autre?».

Stacey McBride-Irby explique avoir dessiné dès le départ toutes les poupées avec des cheveux longs car petite, elle adorait peigner les cheveux de sa Barbie. Mais on lui a conseillé de créer certains modèles avec des cheveux plus bouclés.

La gamme So In Style comprend aussi un kit de coiffure, qui permet aux fillettes de friser, défriser et coiffer leurs poupées. Il est vendu près de 25 dollars, soit plus cher qu'une paire de poupées à 20 dollars environ.

C'est ce qui gêne Sheri Parks, professeur assistant d'études américaines à l'université du Maryland à College Park. Elle déplore que les petites filles soient ainsi poussées à s'impliquer activement dans le processus de défrisage. «Les mères black qui veulent que leurs petites filles aiment leurs cheveux naturels doivent déjà se battre et ces poupées pourraient leur compliquer la tâche».

Outre les cheveux, d'autres s'inquiètent de la minceur des poupées, un vieux débat. Cela fait des années que Barbie, qui a fêté son 50ème anniversaire en mars dernier, est accusée de promouvoir une image complètement irréelle et inaccessible de la femme, avec ses mensurations disproportionnées, jambes trop longues, taille trop fine et poitrine démesurée.

Mais pour Kumea Shorter-Gooden, co-auteur de «Shifting: The Double Lives of Black Women in America», (Changement: la double vie des femmes noires en Amérique), l'impact de Barbie est encore plus négatif pour les petites filles noires, qui doivent déjà affronter les messages envoyés selon lesquels «la peau noire n'est pas jolie et nos cheveux sont trop crépus et courts». Elle reconnaît toutefois que les traits des nouvelles poupées noires sont plus réalistes.

D'autres mères sont ravies. Sheila Adams Gardner, 41 ans, apprécie notamment les différentes couleurs de peau des Barbie. Elle raconte que quand sa fille avait quatre ans, elle a commencé à se préoccuper de sa couleur de peau, prenant conscience qu'elle était plus claire que les autres membres de la famille. «Ca a fait chaud au coeur de voir une série de Barbie afro-américaine et d'entendre ma fille, qui a aujourd'hui 11 ans, s'exclamer: 'on dirait moi'!».