Tout compte fait, Barack Obama n'arrivera pas les mains vides au sommet de Copenhague sur le climat prévu en décembre. Il ne devrait cependant pas pouvoir ajouter à son bagage une loi du Congrès pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Le président américain a démontré la semaine dernière sa détermination à agir sur le dossier climatique en autorisant l'Agence de protection de l'environnement (EPA) d'user de ses nouveaux pouvoirs réglementaires pour limiter les émissions des plus gros pollueurs industriels - raffineries, centrales électriques au charbon et autres usines produisant au moins 25 000 tonnes de CO2 par an. À défaut de modernisation, ces pollueurs, qui sont responsables de près de 70% de la totalité des émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis, seront mis à l'amende.

«Nous avons les moyens et la technologie pour aller de l'avant et nous allons les utiliser», a déclaré la directrice de l'EPA, Lisa Jackson, mercredi dernier.

L'annonce de l'EPA, qualifiée de «changement sismique» par l'Environmental Defense Fund, a coïncidé avec la présentation au Sénat d'un projet de loi destiné à instaurer un marché du carbone aux États-Unis, avec l'objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005.

Il y a plus de trois mois, la Chambre des représentants avait adopté une première version un peu moins ambitieuse de ce texte de loi, ayant fixé un objectif de réduction des émissions de 17% d'ici 2020.

Le président Obama aimerait bien pouvoir se présenter à Copenhague après un vote du Sénat approuvant le projet de loi parrainé par les sénateurs démocrates John Kerry et Barbara Boxer, mais un tel scénario semble improbable. Le Sénat peine déjà à s'entendre sur la réforme du système de santé américain, le plus grand des chantiers de l'administration démocrate. Et le texte de loi sur le climat compte plusieurs opposants, dont certains sénateurs démocrates.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'expression «changement climatique» n'apparaît pas dans le projet de loi Kerry-Boxer. Le texte se contente de préciser que l'énergie propre est «la condition d'une croissance économique forte et durable et une question de sécurité nationale».

Barack Obama a lui aussi éviter de parler d'environnement en saluant le projet de loi du Sénat. «Mon administration soutient ardemment l'élaboration d'une loi qui crée de nouveaux emplois et encourage l'innovation en matière d'énergie propre», a déclaré le président dans un communiqué.

Le sénateur républicain John McCain, un des plus progressistes de son parti sur la question du changement climatique, a donné une idée des difficultés auxquelles le président et ses alliés du Congrès feront face. «Bien sûr que non», a-t-il répondu aux journalistes qui lui demandaient s'il avait l'intention d'appuyer le projet de loi présenté par les démocrates.

Et le sénateur de l'Arizona d'ajouter, au cas où sa déclaration n'avait pas été assez claire : «Jamais, jamais, jamais.»

L'idée d'instaurer un marché du carbone est celle qui suscite la plus grande controverse, non seulement chez les républicains et les industriels, mais également chez certains démocrates. Les opposants font notamment valoir qu'un tel système ferait peser sur l'industrie des contraintes qui provoqueraient une flambée des prix de l'énergie.

La vigueur de l'opposition au projet de loi sur le climat tend à faire oublier que ses objectifs sont relativement modestes. Le Japon, par exemple, a promis de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 25% d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990. Or l'objectif du Sénat de réduire les émissions des États-Unis de 20% d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005 signifie en réalité une réduction de 4% par rapport aux niveaux de 1990, la référence utilisée non seulement par le Japon, mais également par l'ONU et l'Union européenne.

«Le projet de loi Kerry-Boxer est un pas de bébé dans la lutte contre une catastrophe climatique», a déclaré Kieran Suckling, directeur du groupe Center for Biological Diversity.

Il s'agit pourtant d'un pas dont Barack Obama aimerait bien pouvoir se vanter à Conpenhague.