Bien sûr, ce n'est pas la réforme du système de santé, le changement climatique ou la guerre en Afghanistan. Mais la déception de Chicago menace de rejaillir sur les dossiers de Barack Obama. La défaite cinglante de sa ville d'adoption, éliminée dès le premier tour de scrutin pour l'organisation des JO 2016, risque de compliquer la tâche d'un président américain déjà attaqué par ses rivaux pour manque de résultats.

À l'heure de la fin de l'état de grâce, le chef de la Maison-Blanche risque de prêter le flanc aux critiques de ceux qui commencent à le décrire comme meilleur orateur que négociateur, plus célébrité qu'homme d'État. La déception de Chicago pourrait ainsi entraver son action sur de plus gros dossiers. Barack Obama, qui a fait l'aller-retour vendredi pour plaider la cause de Chicago devant le CIO à Copenhague, s'était personnellement beaucoup impliqué pour défendre la candidature de sa ville, tout comme son épouse Michelle.

Rentrant bredouille à la Maison-Blanche, le président a eu la défaite sportive. Il s'est dit très fier de l'effort accompli par tous, déclarant: «Une des choses que je considère les plus importantes dans le monde du sport, c'est qu'on peut très bien jouer et quand même ne pas gagner.»

Mais quasiment chaque aspect de cette implication sur le dossier Chicago rappelle un des traits qui lui sont de plus en plus reprochés: il cherche à faire trop de choses en même temps; il n'a pas les qualités requises pour décrocher un accord; il est trop généreux de son temps...

Il cherche à faire trop de choses en même temps. Un reproche auquel les Américains sont désormais habitués: n'est-ce pas de la folie de gérer de front une économie en déroute, la remise à niveau de deux guerres, la refonte du système de santé et un accord sur rechauffement climatique, le tout en une seule année, sans compter les questions annexes, pas faciles non plus, qui sont aussi au programme?

Certes, en neuf mois, Obama a enregistré nombre de succès. Mais la plupart des gros dossiers demeurent, et de plus en plus d'Américains, même au sein même du parti démocrate, se demandent s'il est capable de se concentrer sur le principal et de ne pas se disperser. Son bond par-dessus l'Atlantique pour aller défendre la candidature de Chicago, outre le prix exhorbitant qu'il a coûté -au moins un million de dollars-, peut sembler de l'ordre du superflu.

Il n'a pas les qualités requises pour décrocher un accord. Chicago a perdu, et le déplacement de dernière minute d'Obama pour défendre le dossier n'y est sans doute pas pour grand-chose. Reste que maintenant, son nom restera sans doute associé à cet échec.

Il est certes une «célébrité», mais est-ce une bonne chose? Pendant la campagne, son rival républicain John McCain avait joué sur cette corde-là. Et certains auront pu lui reprocher, sur le dossier des JO, une certaine arrogance: certains membres du Comité international olympique n'ont guère apprécié ce président-star déboulant à Copenhague, n'y passant que cinq heures et repartant avant même le vote, y voyant peut-être «un manque de respect», selon l'analyse de Kai Holm, ancien membre du CIO.

Il est trop généreux de son temps. La Maison-Blanche d'Obama se comporte comme si seul le président était en mesure de boucler une affaire. Du coup, elle déploie à tour de bras sa ressource la plus précieuse, le président lui-même, au lieu de l'économiser, le réservant pour les occasions où il est vraiment indispensable, et de préférence quand la victoire est garantie. Ce qui limiterait les risques de voir la surexposition réduire son efficacité. Mais ce qui est aussi l'incarnation de la nouvelle «méthode Obama», avec un président partisan de mouiller sa chemise. En l'occurence, il y avait nombre de raisons de douter des chances de Chicago.

Au bout du compte, face à la masse de ceux qui ont le mécontentement facile et lui reprocheront le plus petit faux pas, Obama est perdant à tous les coups: s'il n'avait pas été à Copenhague et que Chicago avait perdu, on lui aurait sans doute reproché de ne pas avoir fait l'effort.

Le président, lui, pense tout de même que le voyage en valait la peine, malgré le résultat décevant, souligne son porte-parole Robert Gibbs. «Si vous n'arrivez pas à faire plus d'une chose à la fois, le président n'aurait pas passé la première journée».