Du temps où il gagnait sa vie comme trublion de la radio matinale, Glenn Beck, nouvelle star de la chaîne de télévision Fox News, ne reculait devant rien pour faire grimper ses cotes d'écoute. Ceux qui ont suivi sa carrière depuis le début se souviennent notamment d'un épisode au cours duquel il a téléphoné à la femme d'un concurrent pour se moquer en ondes de sa fausse couche, survenue deux jours plus tôt.

L'alcool, la marijuana et la cocaïne, dont Beck a abusé jusqu'au milieu des années 1990, ont sans doute contribué à ses gags les plus cruels. Mais ni sa sobriété ni sa conversion au mormonisme n'ont étanché sa soif de controverse. Ces dernières semaines, l'animateur, auteur et entrepreneur de 45 ans a, entre autres, accusé Barack Obama de racisme, associé sa réforme de la santé au nazisme et dénoncé l'emprise des communistes sur son administration.

Or si ses écarts de jeunesse ont failli lui coûter sa carrière, ses outrances de l'âge adulte lui permettent non seulement de s'enrichir - le magazine Forbes estime à 23 millions de dollars ses revenus annuels - mais également d'exercer une influence dans les débats politiques aux États-Unis, où une partie de la population, habitée par la colère ou la peur, trouve refuge dans son humour, son pathos et ses théories de conspiration.

«Glenn Beck à la présidence», pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des participants à la manifestation anti-gouvernement du 12 septembre à Washington, dont l'animateur de Fox News, pourfendeur de «l'État-vampire», s'était fait un des promoteurs les plus enthousiastes.

Le natif de Mount Vernon, dans l'État de Washington, est-il pour autant néfaste à son pays, comme le laissait entendre l'hebdomadaire Time dans son avant-dernier numéro, dont la couverture était ornée d'une photo de l'animateur tirant la langue?

La question a fait tiquer plusieurs conservateurs, dont Tim Graham, directeur de l'analyse des médias au Media Research Center à Washington.

«Chaque fois que quelqu'un de la droite se bâtit un auditoire fervent, nos élites libérales s'empressent de nous expliquer que chacun de ses fans est un demeuré qui crache le feu», dit Graham à La Presse. «Le magazine Time avait employé exactement la même approche au milieu des années 1990 pour traiter de la montée de Rush Limbaugh.»

Limbaugh demeure le roi incontesté des animateurs de la radio, devançant largement ses deux plus proches rivaux, Sean Hannity et Beck, qui ont leur propre émission radiophonique en plus de celle qu'ils animent à la télévision sur la chaîne Fox News. Mais Beck, qui a fait ses premiers pas à télévision sur la chaîne Headline News, la petite soeur de CNN, a un style qui le distingue de ses concurrents de la droite.

«À côté de lui, Bill O'Reilly a l'air fade», dit Graham en faisant allusion à l'animateur qui demeure le champion des cotes d'écoute sur Fox News.

Graham estime d'ailleurs que Beck va parfois trop loin, comme lorsqu'il a accusé le président Obama d'être «un raciste» et «un gars qui a une haine profonde des Blancs ou de la culture blanche».

Cette déclaration de Glenn Beck lui a valu d'être boycotté par une soixantaine de sociétés, dont Wal-Mart, Proctor & Gamble et Kraft Foods, qui ont retiré leurs publicités de son émission après avoir subi les pressions d'un groupe appelé ColorOfChange.org.

Mais cette campagne de boycottage n'a encore servi qu'à alimenter la controverse dont Glenn Beck est friand et à faire grimper ses cotes d'écoute, qui sont supérieures à toutes les émissions de MSNBC et CNN, les chaînes rivales de Fox News, en dépit de l'heure ingrate de la diffusion de son show, qui a vu le jour au début de l'année. «Glenn Beck» commence à 17 h.

Glenn Beck est-il néfaste à son pays? Greg Mitchell, rédacteur en chef de la revue Editor & Publisher, reproche au Time de ne pas avoir eu le courage de répondre à sa propre question.

«Plutôt que de le traiter comme le démagogue paranoïaque qu'il est, ils l'ont dépeint comme une figure médiatique comme les autres, un Keith Olbermann de la droite», dit Mitchell en faisant allusion au plus populaire des animateurs de la chaîne d'information MSNBC. «Or si vous mettez côte à côte ce qui peut être considéré les pires moments d'Olbermann et de Beck, vous verrez que la comparaison ne tient pas.»

La liste des pires moments de Beck doit sans doute inclure son accusation selon laquelle Barack Obama veut créer une «force de sécurité nationale civile semblable aux SS d'Adolf Hitler». Il faisait allusion à AmeriCorps, un programme gouvernemental visant à encourager le bénévolat, dont le financement a triplé sous l'administration démocrate.

Et qu'en est-il de sa théorie voulant que Barack Obama soit entouré par des communistes? Beck soutient qu'elle a été confirmée par la démission récente de Van Jones, conseiller spécial de la Maison-Blanche pour les «emplois verts», qui a déjà été associé à des groupes radicaux.

«Ce n'est que la pointe de l'iceberg», a déclaré Glenn Beck à son auditoire sur un ton qui faisait penser à celui du sénateur Joseph McCarthy, célèbre pour sa chasse aux communistes dans les années 1950.