L'abandon du projet de bouclier antimissile américain en Europe centrale va faciliter un rapprochement des États-Unis et de leurs alliés de l'OTAN avec la Russie, au moment où les Occidentaux veulent sortir du bourbier afghan et Moscou les y aider.

Quels que soient les facteurs motivant le renoncement au projet qui irritait tant Moscou, -et gênait des pays alliés comme l'Allemagne, même s'ils ne le disaient pas ouvertement- l'annonce en intervient à la veille d'un important discours du secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen sur «un nouveau départ» entre l'OTAN et la Russie. Pure coïncidence? La séquence ressemble en tous cas à une opération de charme bien minutée en direction de Moscou.

Ce n'était pas forcément l'objectif premier. «La raison principale est d'ordre technico-budgétaire et non le désir de plaire aux Russes», estime Joseph Henrotin, au Centre d'analyse et de prévision des risques internationaux (CAPRI) de Paris. «À cause des doutes récurrents de certains secteurs militaires américains sur l'efficacité réelle de ces missiles, et de leur coût en cette période de crise».

Selon le Wall Street Journal, qui a révélé l'affaire jeudi, les experts américains ont conclu que la menace stratégique de fusées iraniennes à longue portée (plus de 5000 km) capables de frapper le territoire des États-Unis n'était, tout bien pesé, pas imminente.

Du temps de George W. Bush, les Américains, pour justifier le déploiement en Europe centrale du «troisième pilier» de leur bouclier, assuraient que le temps pressait car Téhéran pourrait se doter de ce type d'engins dès 2015. Apparemment, les militaires russes qui niaient obstinément que les Iraniens soient aussi avancés avaient donc mieux évalué la situation.

Tout en reconnaissant qu'elle avait sans doute ses propres «motifs politiques, militaires, techniques et financiers», l'ambassadeur russe à l'OTAN Dmitri Rogozine n'en a pas moins exprimé à l'AFP sa satisfaction devant cette «nouvelle très positive».

Dès mercredi, sur son blog vidéo, le secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen annonçait qu'il allait faire des «offres concrètes» à la Russie pour instaurer la «confiance» que le conflit russo-géorgien d'août 2008 avait dissipée.

Parmi les «défis» que l'OTAN et la Russie doivent relever de concert, il y a, notait-il la prolifération» des armes de destruction massive, ainsi que «le terrorisme et l'Afghanistan».

«Bâtir (un Afghanistan) sûr et stable est dans l'intérêt commun de l'OTAN et de la Russie (...) Nous pouvons faire plus ensemble», a-t-il ajouté.

Pour apaiser des opinions publiques réticentes à un séjour indéfini des soldats occidentaux en Afghanistan alors que leurs pertes s'aggravent, l'OTAN table sur une «afghanisation» la plus rapide possible du conflit.

Un message que Moscou reçoit cinq sur cinq. M. Rogozine admet que la Russie perdrait à une victoire des islamistes en Afghanistan.

Dans une tribune libre parue jeudi dans l'hebdomadaire European Voice, il propose même de «construire» en Asie centrale «une zone de sécurité commune».

Cela passerait par un accord entre l'OTAN et l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) qui lie Moscou et les anciennes Républiques soviétiques de la région, voisines de l'Afghanistan.

«Les talibans ne peuvent opérer en Afghanistan qu'avec un soutien extérieur. Si l'OTAN veut le succès de sa nouvelle stratégie américaine dans ce pays, il lui faut le soutien russe», assure M. Rogozine.

De leur côté, note M. Henrotin, «de ce geste à l'égard de la Russie, il est clair que les États-Unis attendent aussi des retombées positives sur le dossier nucléaire et balistique iranien».