Les résidants du nord de Los Angeles vivent des émotions en montagnes russes au sixième jour des incendies qui menacent leurs maisons. De l'espoir au découragement, au fil des flammes alimentées par les vents changeants qui peuvent renverser une situation positive en cauchemar en quelques secondes.

Si les évacuations sont obligatoires, les policiers ne peuvent forcer les gens à partir. Des résidants qui sont sur leurs gardes nuit et jour, prêts à évacuer.

«Les pompiers nous ont dit que si on les voyait partir en courant, c'était le temps d'évacuer. Mon mari est prêt, mais pas moi. Je ne sais pas quoi prendre, de toute manière tout peut être remplacé», lance Carissa Totalca, qui habite Tujunga depuis 1988.

Des citoyens de ce quartier du nord de Los Angeles étaient soulagés de voir s'éteindre le feu qui avait fait rage toute la nuit devant chez eux. «Je suis tellement heureuse de voir que tout est terminé et que nous sommes maintenant en sécurité, même si c'est laid comme la surface de la Lune», souffle Marian Westall, les yeux dans l'eau. Cette dernière ajoute qu'elle se rend maintenant compte de l'ampleur de la peur qu'elle avait ressentie durant la nuit.

«À 3h du matin, j'étais ici à regarder ces énormes flammes ravager notre montagne, c'était déchirant, mais j'ai senti un réel esprit communautaire», ajoute-t-elle.

Son voisin, Bill Ryder, se permettait de prendre une bière avec son fils sur le pas de sa maison après avoir failli s'enfuir durant la nuit.

«Je me suis endormi vers 1h, et ma femme m'a réveillé à 3h, car les flammes étaient énormes et il fallait évacuer, mais c'était une fausse alerte. Le pire, finalement, était la fumée qui me donnait mal au coeur. Je suis soulagé, sauf que je reste sur mes gardes et quelque peu inquiet.»

Si les gens rencontrés avouaient leur peur, ils s'avéraient étonnamment sereins et confiants, même si certains sont évacués depuis plusieurs jours.

«Je fais confiance à Dieu, j'ai passé à travers d'autres épreuves et j'ai appris à rester calme», raconte Coty Van Meter, qui a dû quitter la communauté qu'elle habite dans la montagne depuis 35 ans. Ses biens les plus importants étaient sur le siège arrière de sa voiture alors qu'elle vérifiait si elle pouvait retourner chez elle. «Le plus important, c'est que mes filles soient en sécurité dans ma famille.»

Cette confiance en Dieu et surtout en les pompiers était partagée par tous les résidants rencontrés par La Presse.

L'agent Miller, de la Highway Patrol, qui empêchait les résidants de retourner dans la montagne devait user de diplomatie et de tact pour les réconforter et leur faire prendre conscience du danger.

«Les gens ont de l'espoir, car c'est tout ce qu'il leur reste, mais ils sont fiers; ils habitent cet endroit depuis très longtemps», souligne-t-il.

Un espoir et une fierté qui se retrouvent dans les paroles de Carissa Totalca. Cette infirmière, qui n'est pas allée travailler depuis deux jours, a aussi peur pour les animaux qui habitent ce qu'elle surnomme sa montagne. Elle entraîne d'ailleurs la représentante de La Presse sur le bord d'un réservoir où les hélicoptères viennent faire le plein d'eau. «Regardez ma forêt, c'est tellement triste, tout est parti en fumée», dit-elle, mélancolique.

Une mélancolie qui la quitte lorsqu'elle remarque que ses canards sont toujours présents sur le bord du réservoir, malgré le va-et-vient bruyant des hélicoptères.

«C'est ainsi depuis six jours, mes émotions évoluent au gré des flammes, de la tristesse à la peur puis à la joie et au soulagement», conclut-elle dans un sourire enfantin alors qu'elle nous demande de la prendre en photo avec un pompier.

«On les éteint tous, on finit tout le temps par avoir le dessus, au nombre que nous sommes», lance le capitaine Art Burgess du service des incendies de Los Angeles.

Sauf que ce dernier avoue que si les incendies sont maîtrisés du côté sud de la forêt nationale d'Angeles, ils sont plus dangereux et hors de contrôle dans la région d'Acton, au nord de la forêt.