En août 1969, l'Amérique était secouée par les assassinats commis par une bande de jeunes dirigés par Charles Manson. Quarante ans plus tard, ces meurtres absurdes restent gravés dans l'imaginaire collectif, a constaté notre correspondant.

Ciello Drive est une route à deux voies qui s'enfonce dans un canyon du nord de Los Angeles. La circulation automobile y est légère, pratiquement inexistante.

 

L'endroit était désert au soir du 8 août 1969, quand les disciples de Charles Manson sont arrivés à bord d'une vieille Ford 1959.

Assise sur la banquette, Linda Kasabian, 20 ans, était euphorique. «Je me sentais spéciale, choisie», explique Kasabian, qui se confie pour la première fois dans un nouveau documentaire du réalisateur Nick Godwin.

Ce soir-là, Charles Manson avait ordonné à quatre disciples d'aller à la résidence de l'actrice d'Hollywood Sharon Tate, et de tuer tous ceux qui s'y trouvaient.

À l'intérieur de la maison, Tate, mariée au réalisateur Roman Polanski, était en train d'entretenir ses hôtes. La tuerie a été longue et brutale, se souvient Kasabian.

«J'ai vu une femme habillée avec une robe blanche, et qui avait du sang partout sur elle. Elle criait et appelait sa mère. J'ai vu Katie la poignarder. J'ai couru en bas de la côte, je suis entrée dans la voiture et j'ai attendu.»

Les crimes ont choqué l'Amérique et donné lieu à une chasse à l'homme jamais vue à l'époque. Le témoignage de Mme Kasabian durant le procès de la «famille Manson» a permis au procureur, Vincent Bugliosi, d'envoyer les meurtriers en prison. Aucun chef d'accusation n'a été retenu contre elle.

Dans Manson, un film documentaire qui sera diffusé ce week-end (dimanche, 9 août, à 21h sur la chaîne History), le réalisateur anglais Nick Godwin s'entretient avec Kasabian, qui fuit les médias depuis des décennies.

«Tous les membres de la famille Manson sont soit morts, soit en prison, explique M. Godwin en entrevue avec La Presse. La seule personne qui pouvait parler était Linda Kasabian, et elle est disparue de la circulation depuis les années 70.»

M. Godwin a embauché un détective privé. Après plusieurs mois de recherches, l'équipe l'a finalement localisée. Mme Kasabian, aujourd'hui âgée de 60 ans, vit avec sa famille sous un nom d'emprunt dans un parc de maisons mobiles, quelque part en Californie.

«Au départ, elle ne voulait pas nous parler, dit-il. Il a fallu gagner sa confiance. Cela a pris environ six mois.»

Le réalisateur dit avoir été surpris par la vulnérabilité de Kasabian au moment des crimes. «Elle avait 20 ans. Elle ne connaissait pas grand-chose de la vie.»

Comment Manson a-t-il pu séduire des jeunes comme elle et les pousser à commettre des crimes insensés?

«La réponse est en partie liée à l'air du temps. C'était à l'été 1969, en Californie. Les communes étaient à la mode. Les idées marginales fleurissaient. La drogue était disponible partout...»

Et Manson, quoique peu éduqué, avait une personnalité forte, qui commandait l'attention autour de lui, note-t-il.

«De nos jours, ce ne serait pas un mélange très attrayant. À l'époque, c'était nouveau, c'était excitant.» Manson, 74 ans, est toujours incarcéré au pénitencier de Corcoran, en Californie.

Le procureur Bugliosi a affirmé récemment que c'est l'absurdité des crimes qui a marqué l'imaginaire collectif.

«Si ces crimes avaient fait partie d'un roman de fiction, personne n'aurait lu le livre. Ça aurait paru trop invraisemblable.»