Dès la confirmation du succès de la mission de Bill Clinton en Corée du Nord, une question a surgi dans les médias américains et internationaux: le voyage de l'ancien président laisse-t-il entrevoir une percée diplomatique dans le dossier nucléaire qui divise depuis plusieurs années Pyongyang et Washington?

Au lendemain de la libération des deux journalistes détenues en Corée du Nord, les experts et les responsables américains répondaient à cette question de manière circonspecte, estimant qu'il était encore beaucoup trop tôt pour juger de l'impact du geste «humanitaire» du leader nord-coréen, Kim Jong-Il.

«Cela dépendra du rapport que présentera Bill Clinton à l'administration Obama», a déclaré Scott Snyder, spécialiste des relations américano-coréennes, dans un entretien téléphonique. «Nous ne savons pas encore ce qui s'est dit entre l'ancien président et les dirigeants nord-coréens. Mais c'était une occasion pour ces derniers de changer la direction de leurs relations avec Washington.»

C'était aussi une chance unique pour Kim Jong-Il de se faire une publicité positive dans son pays et à l'étranger.

Plusieurs commentateurs conservateurs ont d'ailleurs, comme l'ancien ambassadeur américain à l'ONU John Bolton, reproché à Bill Clinton et à l'administration Obama d'avoir fait le jeu d'un dictateur dangereux.

Mais au moins un ancien membre de l'administration Bush s'est dissocié de ce point de vue.

«Je ne pense pas qu'il était dans l'intérêt de quiconque de voir ces deux journalistes contraintes à des travaux forcés», a déclaré Victor Cha, conseiller de la Maison-Blanche pour les affaires asiatiques sous George W. Bush. «Aussi la démarche de Bill Clinton a-t-elle servi une très bonne cause, même si elle a valu au gouvernement nord-coréen plus d'attention.»

Barack Obama, de son côté, a répété hier ce que son entourage avait affirmé la veille : le voyage de Bill Clinton était une initiative strictement privée. Il a ajouté qu'il ne fallait pas y voir le signe d'un adoucissement de la pression diplomatique sur le régime communiste, sommé par la communauté internationale d'arrêter son programme nucléaire.

L'aide de la Maison-Blanche

Mais la Maison-Blanche a tout de même joué un rôle important dans la mission de l'ancien président. Par l'entremise de l'ambassade de Suède à Pyongyang, elle s'est notamment assurée que la Corée du Nord était bel et bien prête à gracier et à relâcher les journalistes américaines si Bill Clinton se rendait sur place pour demander leur libération.

Les dirigeants nord-coréens avaient déjà communiqué une telle volonté aux deux journalistes américaines, qui avaient retransmis l'information à leurs familles ainsi qu'à l'ancien vice-président Al Gore, cofondateur de la chaîne Current TV pour laquelle elles travaillent.

Pendant ses tractations avec Pyongyang, la Maison-Blanche a fait savoir aux Nord-Coréens que la visite de Bill Clinton ne pouvait en aucun cas être liée au dossier nucléaire. Mais l'ancien président s'est entretenu pendant une heure et quart avec Kim Jong-Il, et il a ensuite dîné avec lui pendant deux heures.

Il a sûrement pu se faire une bonne idée de l'état de santé du leader nord-coréen - qui aurait été victime d'une attaque cérébrale il y a un an - et peut-être aussi de son attitude vis-à-vis du dossier nucléaire.

«Il y a peut-être maintenant une chance d'une reprise des négociations à six pays et d'un progrès véritable», a commenté William Cohen, ex-secrétaire à la Défense sous Bill Clinton, dans une entrevue à CNN.