Le président Barack Obama a nommé, hier, Sonia Sotomayor au poste de juge à la Cour suprême des États-Unis. Si sa candidature devait être confirmée par le Congrès, Mme Sotomayor deviendrait la première hispanophone et la troisième femme à occuper ce poste prestigieux.

«J'ai décidé de sélectionner une femme inspirante, avec une profonde expérience et une vaste perspective qui, je crois, fera une excellente juge», a dit le président Obama.

Le choix de Mme Sotomayor a été perçu par plusieurs analystes comme un piège tendu aux républicains. Comment pourront-ils s'opposer à la nomination historique d'une self-made woman sans avoir l'air de snober la communauté hispanophone, un bloc important de l'électorat qui a fui le Parti républicain aux dernières élections?

«À mon avis, cette nomination comporte bien plus de risques pour les républicains que pour la Maison-Blanche, a analysé hier le journaliste Ben Smith sur le site Politico.

Les républicains, dit-il, ont pour priorité de renouer les liens avec les hispanophones, qui ont voté aux deux tiers en faveur d'Obama aux dernières élections.

«Les républicains doivent marcher sur des oeufs s'ils veulent critiquer Mme Sotomayor. Une opposition féroce de la droite pourrait être très mal reçue en Floride et dans l'Ouest américain.»

L'opposition de la droite s'est mise en branle, hier, quelques minutes après l'annonce. Si les commentateurs des réseaux câblés ont sorti le vitriol pour attaquer «les aptitudes intellectuelles» de Mme Sotomayor, les élus ont été plus réservés.

«Nous allons examiner ses décisions, afin d'être certains que ses jugements ne sont pas teintés par ses préférences politiques ou ses sentiments personnels», a dit le sénateur républicain Mitch McConnell.

Interviewé à CNN, l'ancien ministre de la Justice sous Bush, Alberto Gonzales, a affirmé que Mme Sotomayor était «bien qualifiée» pour occuper le poste.

Une femme du Bronx

Consciemment ou non, le président Obama a choisi une femme dont les origines modestes et les accomplissements subséquents s'apparentent à sa propre histoire.

Sonia Sotomayor vient d'un milieu modeste. Née en 1954, elle a été élevée dans les habitations à loyer modique du Bronx. Sa mère travaillait six jours par semaine en tant qu'infirmière et a pu envoyer ses deux enfants dans des écoles réputées.

«La mère de Mme Sotomayor a acheté la seule encyclopédie complète du quartier pour ses enfants», a noté hier le président Obama.

Sonia Sotomayor a par la suite obtenu des diplômes de Princeton et de Yale, où elle a dirigé le Yale Law Review. Elle a travaillé pour le procureur en chef de New York avant d'être nommée juge à la U.S. District Court en 1991 par le président George Bush père. Son successeur, Bill Clinton, l'a nommée juge à la Cour d'appel en 1997.

Les républicains, minoritaires au Sénat, ont peu de chances de faire dérailler la nomination de Mme Sotomayor. D'allégeance progressiste, la juge risque de prendre des décisions qui s'apparentent à celles de son prédécesseur, David Souter, qui prend sa retraite.

Le poste de juge à la Cour suprême est l'une des positions les plus influentes aux États-Unis.

Les juges y sont nommés à vie et continuent de façonner les aspects les plus importants de la société américaine bien après que le président qui les a sélectionnés a quitté la Maison-Blanche.

Cinq choses à savoir sur la Cour suprême des États-Unis

La Cour suprême, créée par les pères fondateurs des États-Unis à l'article III de la Constitution, est la plus haute juridiction du pays, appelée à se prononcer sur des questions fondamentales de société. > Elle est formée de neuf juges, dont son président. Ils sont nommés à vie. Ils peuvent quitter leurs fonctions quand ils le souhaitent, comme le sortant David Souter, 69 ans, ou mourir en fonction, comme William Rehnquist en 2005. > Depuis la création de l'institution, les juges sont restés en moyenne 15 ans en fonction, avec un nouveau juge arrivant tous les deux ans environ. > Pour saisir la Cour suprême, un plaignant doit déposer une requête mettant en cause la constitutionnalité d'une décision émanant des cours d'appel fédérales ou, dans certains cas, des tribunaux des États, d'un arrêt rendu par une Cour suprême d'État ou d'un traité. Sur plus de 10 000 requêtes déposées l'année dernière, la Cour s'est saisie seulement d'une centaine d'affaires. > Adoptés à la majorité, les arrêts de la Cour sont rédigés par un juge, les autres décidant de se joindre à celui-ci ou au contraire de rédiger leur propre argumentaire, ce qui donne une idée assez précise de la position de chaque juge.

Sonia Sotomayor nommée à la Cour suprême

Barack Obama a choisi une femme d'origine portoricain, Sonia Sotomayor, pour siéger à la Cour suprême des États-Unis. Une première. Si elle est confirmée par le Sénat, la juge de 54 ans se joindra à ces huit magistrats au plus haut tribunal du pays.

John Roberts, 54 ans

Choisi par le président George W. Bush pour devenir président de la Cour en 2005. Conservateur, il est considéré comme l'un des juristes les plus brillants de sa génération.

John Paul Stevens, 89 ans

Nommé en 1975 par le président républicain Gerald Ford. Chef de file du bloc progressiste de la Cour. Il a toujours affirmé qu'il conserverait son poste tant qu'il resterait en forme.

Antonin Scalia, 73 ans

Nommé par le président républicain Ronald Reagan en 1986. Catholique pratiquant et père de neuf enfants, cet ultra-conservateur est partisan d'une interprétation étroite de la Constitution.

Anthony M. Kennedy, 72 ans

Nommé par le président républicain Ronald Reagan en 1988. Considéré comme un modéré, ce centriste vote tantôt avec le bloc conservateur de la Cour, tantôt avec le bloc progressiste.

Clarence Thomas, 60 ans

Nommé en 1991 par le républicain George Bush père. Second juge noir de l'histoire de la Cour, il ne prend quasiment jamais la parole en audience et campe résolument dans le camp conservateur.

Ruth Bader Ginsburg, 76 ans

Nommée en 1993 par Bill Clinton. Seule femme siégeant aujourd'hui à la Cour suprême. Progressiste mesurée, elle défend fermement les droits des femmes. Elle a été récemment opérée d'un cancer.

Stephen Breyer, 70 ans

Nommé en 1994 par le président démocrate Bill Clinton. Ce progressiste, soucieux de ne pas bouleverser inutilement la jurisprudence établie est un farouche défenseur du droit à l'avortement.

Samuel Alito, 59 ans

Nommé en 2006 par le président George W. Bush. Ancré dans le camp conservateur, cet homme d'origine italienne modeste a des qualités de juriste unanimement reconnues.