Les Etats-Unis étudient leurs options avec l'Iran après la libération de la journaliste irano-américaine Roxana Saberi, soucieux de ne pas rétribuer une arrestation qu'ils jugent arbitraire, tout en laissant la porte ouverte au dialogue, selon les analystes.

Mlle Saberi, 32 ans, a été libérée lundi à Téhéran après que sa peine de huit ans de prison pour espionnage au profit des Etats-Unis a été réduite en appel à deux ans avec sursis. Publiquement, Washington a qualifié cette décision de geste purement «humanitaire» de l'Iran, refusant d'y voir «le début d'une nouvelle ère» entre les deux pays qui ont rompu leurs relations diplomatiques il y a près de 30 ans.

Mais pour Karim Sadjadpour, un expert au Carnegie Endowment for International Peace, cette libération représente une victoire des partisans du dialogue avec Washington au sein du régime iranien et elle mérite une réponse des Etats-Unis pour maintenir la pression sur les partisans du refus.

 «Après tout, de nombreuses voix s'élèvent à Washington pour dire qu'il est inutile de dialoguer avec Téhéran», note ce spécialiste de l'Iran.

 «L'administration Obama devrait comprendre que c'est exactement la conclusion à laquelle les geôliers (de Roxana Saberi) voudraient que nous parvenions».

Un avis partagé par Daniel Brumberg, de l'USIP (United States Institute of Peace), un centre de recherche financé par le Congrès américain.

 «J'imagine que l'administration va chercher un moyen de répondre, parce qu'elle reconnaît que cela montre que les partisans d'une réponse positive aux ouvertures d'Obama marquent des points au sein du régime iranien», explique cet expert à l'AFP.

Mais Washington devrait attendre l'issue du scrutin présidentiel iranien du 12 juin avant d'agir, pour ne pas paraître prendre parti dans l'élection, ajoute M. Brumberg.

Selon le magazine Time, Washington pourrait libérer trois prisonniers iraniens détenus par l'armée américaine en Irak depuis leur arrestation en 2007 pour leur soutien supposé aux milices chiites.

Selon Time, Téhéran a récemment fait parvenir à Washington un message discret par le biais d'un «diplomate européen de haut rang» liant le cas de Mlle Saberi à celui des trois Iraniens.

Le porte-parole du département d'Etat, Ian Kelly, a formellement démenti tout marché avec le régime iranien. «Il n'y a pas d'échange implicite», a-t-il déclaré à la presse.

«En ce qui concerne les trois détenus iraniens, il y a un processus en place. Nous coopérons avec nos partenaires irakiens, mais je n'établirais aucun lien entre ces cas et celui de Roxana Saberi», a-t-il ajouté.

Un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, a confirmé à l'AFP que les trois Iraniens étaient encore détenus par l'armée américaine en attendant que la justice irakienne se saisisse de leur cas, mais il a laissé entendre que ce ne serait pas avant plusieurs mois.

Il a expliqué le long délai entre leur arrestation et leur jugement par le fait qu'ils ont été qualifiés par l'armée américaine de «menace élevée».

Pour Karim Sadjadpour la prudence de Washington est justifiée. «Le dernier signal que les responsables américains veulent envoyer à Téhéran, c'est qu'il y aurait quoi que ce soit à gagner à emprisonner des Américains innocents», déclare-t-il à l'AFP.

«Je ne suis pas sûr que les Iraniens vont recevoir la réponse à laquelle ils s'attendent», approuve Daniel Brumberg.