Quand un échange cordial de courriers électroniques avec un agent du FBI s'est transformé en injonction à livrer des informations sur des camarades musulmans sur le campus universitaire, la colère est montée chez l'étudiante du Michigan.

«Quand j'ai reçu ce mail, j'étais en colère, j'étais bouleversée (...) et je ne lui ai jamais répondu», a déclaré l'étudiante à l'AFP sous couvert de l'anonymat, en raison de sa situation vis-à-vis des services de l'immigration.

«Pas étonnant que la communauté musulmane ne fasse pas confiance au FBI», dit-elle.

Dans un courriel, que l'AFP a pu lire, l'agent du FBI a déclaré à l'étudiante qu'elle était contactée parce que «nous voulons pouvoir faire appel à des gens comme toi à l'avenir, en cas de besoin».

L'expérience de cette étudiante, qui vit aux Etats-Unis depuis l'âge de quatre ans, n'est pas isolée.

Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington, la police fédérale (FBI) s'est tournée vers les responsables musulmans en leur promettant d'enquêter sur les crimes raciaux perpétrés contre leur communauté en échange de la promesse d'être avertis de toute activité douteuse.

Mais ces liens fragiles se sont effilochés.

Principale raison: le FBI est accusé d'avoir infiltré et placé sous surveillance plusieurs importantes mosquées et responsables musulmans dans le cadre d'enquêtes sur de potentielles activités militantes.

Pour l'avocat spécialiste de l'immigration et des droits de l'homme Nabih Ayad, le FBI a délibérément ciblé les immigrés musulmans.

«Les immigrés sont toujours une cible facile pour le FBI qui sait qu'ils peuvent leur être utiles à l'avenir» en échange de réductions de peines ou d'éviter l'expulsion, explique cet avocat du Michigan.

Mais les cas ne se limitent pas aux immigrés.

Zakariya Reed, un Américain converti à l'islam il y a dix ans, affirme que lorsqu'il s'est tourné vers le FBI pour signaler les problèmes qu'il rencontrait chaque fois qu'il passait la frontière avec le Canada après avoir rendu visite à des proches, les policiers lui ont demandé d'espionner la communauté musulmane.

«C'est complètement fou. Nous n'avons rien à vous dire», avait rétorqué aux policiers ce pompier et ancien soldat de la première guerre du Golfe.

Brett Hovington, chef de l'unité du FBI chargée des relations avec le public, reconnaît que l'approche de ses agents sur le terrain «créé des problèmes en interne et qui se répercutent dans les quartiers».

«Quand les gens se sentent exclus, assiégés, quand ils pensent que tout ce qu'ils diront pourra être retenu contre eux, ils peuvent rechigner à se présenter», dit Ibrahim Hooper, un responsable du Council on American-Islamic Relations (CAIR), l'une des plus importantes organisations musulmanes du pays.

La colère a grondé chez les dirigeants musulmans quand ils ont appris que le FBI avait envoyé un informateur dans une mosquée de Californie pour obtenir des preuves sur des activités terroristes présumées d'un fidèle.

«Ce qui s'est passé dans le sud de la Californie est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase», estime Agha Saeed, président de American Muslim Taskforce, une organisation musulmane. «C'est tout à fait irrespectueux. C'est aussi une violation des droits de l'Homme».

Le policier Hovington souligne que le FBI n'a pas pour politique «d'infiltrer les mosquées». «Mais c'est comme tout autre lieu, s'il y a une raison pour que nous y soyons, qui concerne la protection de notre pays, nous y serons», a-t-il dit.