Barack Obama s'est engagé à faire vite pour remplacer le juge à la Cour suprême David Souter, qui prend sa retraite. Mais la bataille pour la nomination qui s'annonce risque de rallumer des sujets de controverse que le président aurait préféré garder pour plus tard, à l'heure où il se consacre surtout à l'économie, l'Irak et l'Afghanistan: avortement, immigration, droits des homosexuels...

Nommé en 1990 par Bush père, Souter, 69 ans, s'est avéré rapidement, notamment sur l'avortement, bien moins conservateur que ne l'auraient souhaité les républicains. En 2000, il avait été l'un des quatre juges «dissidents» lorsque la Cour suprême valida l'élection contestée de George W. Bush. Le départ de Souter après 20 ans de votes parfois imprévisibles ne risque pas de modifier l'équilibre idéologique d'une institution devenue plus conservatrice en huit années de présidence Bush.

Mais il donne à Barack Obama l'occasion d'imprimer très tôt sa marque sur la prestigieuse Cour, en y nommant une deuxième femme ou le représentant d'une minorité ethnique. L'instance ne compte qu'une femme, Ruth Bader Ginsburg, un noir, Clarence Thomas, et n'a jamais eu de juge hispanique. En outre, cela faisait 15 ans qu'un président démocrate n'avait pas choisi l'un des neuf juges de la Cour, désignés à vie.

Déjà, les conservateurs fourbissent leurs armes: Obama «va certainement chercher des militants judiciaires de gauche qui seront là pour assouvir leur passion, pas des juges rendant leurs jugement sans passion», juge Ed Whelan, du centre de réflexion conservateur Ethics and Public Policy Center.

Les batailles politiques autour de la désignation d'un nouveau juge, et le feu de questions qu'il subira lors de ses auditions devant le Sénat, seul habilité à confirmer sa nomination, se concentrent en général sur les sujets de société. Sujet sur lesquels la gauche d'Obama lui reproche sa lenteur.

«C'est clair que ces débats reviennent», note Matt Bennett, vice-président du groupe démocrate centriste Third Way (Troisième Voie). Même si note-t-il, le Sénat, où les démocrates sont 59, devrait confirmer sans encombre le candidat d'Obama.

Si les conservateurs donnent de la voix, le processus de nomination à la Cour suprême risque surtout de donner un vaste écho aux critiques de la gauche: les militants de la cause homosexuelle s'impatientent, attendant d'Obama l'abandon de la politique du «don't ask, don't tell» (ne posez pas la question, ne le dites pas) en vigueur dans l'armée.

Sur l'immigration, la pression monte sur Obama, le courant majoritaire démocrate ayant rajouté sa voix aux groupes Latinos pour qu'il mette en branle un processus législatif qui s'annonce ardu. Sur les excès de l'administration précédente sous la caution du «privilège de l'exécutif», au nom de la lutte contre le terrorisme, en matière de surveillance des citoyens américains, certains trouvent aussi Obama trop mou.

Vendredi, Obama a décrit le profil du candidat idéal, qui combinerait «empathie et compréhension» avec un parcours juridique sans faute. Et s'est engagé à faire diligence, pour que son nouveau poulain soit opérationnel lorsque la Cour suprême reprendra ses travaux, le premier lundi d'octobre.

«Je chercherai quelqu'un qui comprend que la justice, ça n'est pas de la théorie juridique abstraite, une note de bas de page dans un manuel. C'est aussi la manière dont nos lois affectent la réalité quotidienne de la vie des gens», a déclaré le président, après avoir parlé à Souter au téléphone.

Sa nomination sera aussi un nouveau test de la volonté, une nouvelle fois affichée par Obama, de consulter tant chez les républicains que les chez démocrates. Un moyen pour lui d'aller le plus vite possible pour la confirmation du candidat par le Sénat: selon son porte-parole Robert Gibbs, Obama compte présenter son candidat à la Chambre haute «bien avant la fin juillet».

Déjà, le jeu des pronostics bat son plein, surtout du côté des femmes, comme la toute nouvellement nommée représentante du gouvernement près la Cour suprême Elena Kagan, les juges de Cour d'appel Sonia Sotomayor, Kim McLane Wardlaw, Sandra Lea Lynch et Diane Pamela Wood, ou la patronne de la Cour suprême de Géorgie Leah Ward Sears. Egalement évoqués, les noms du gouverneur du Massachusetts Deval Patrick, le professeur de Droit à Harvard Cass Sunstein ou le juge de district de Chicago Ruben Castillo.