Un ancien garde de camp nazi de 89 ans, John Demjanjuk, a failli être expulsé mardi vers l'Allemagne, mais la justice américaine lui a accordé un sursis in extremis alors que les services de l'immigration étaient venus le chercher chez lui.

L'ex-gardien de camp d'extermination d'origine ukrainienne a été emmené de son domicile de Seven Hills (Ohio), en vue de son expulsion vers Munich où il doit être jugé pour sa participation présumée à l'assassinat de 29 000 juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

L'ancien gardien de camp, le visage ridé et hagard, à moitié gémissant, a été porté sur le perron de sa maison en chaise roulante par cinq agents des services de l'immigration et des douanes.

Son épouse Vera, en larmes, a protesté en ukrainien: «c'est comme du temps des communistes lorsqu'ils venaient prendre un membre de votre famille et que vous ne revoyiez jamais». «Il n'a rien fait. Et votre pays le traite comme cela», a-t-elle encore protesté.

Alors qu'il était emmené dans un minibus vers l'aéroport de Cleveland, l'ancien gardien obtenait un sursis in extremis de la part de la cour d'appel fédérale de Cincinnati (Ohio). «La requête du demandeur pour un référé est accordée en attendant d'examiner les éléments de la demande», selon la décision de la cour d'appel.

Les services de l'immigration ont indiqué que M. Demjanjuk allait être autorisé à rester chez lui dans l'attente de la prochaine décision de justice.

Nous «continuerons à travailler en coopération avec le ministère de la Justice et le gouvernement allemand pour procéder à l'expulsion de M. Demjanjuk», a également indiqué Pat Reilly, une porte-parole des services de l'immigration américains.

Le département de la justice américain «va continuer à poursuivre l'affaire devant les tribunaux», a précisé pour sa part une porte-parole du ministère, Laura Sweeney.

Cette tentative d'expulsion intervient après un feuilleton judiciaire de plus d'un mois, depuis que Berlin a délivré le 11 mars un mandat d'arrêt.

Depuis vendredi, l'octogénaire, qui vit dans la banlieue de Cleveland depuis plus de 50 ans, était expulsable après le rejet d'un appel précédent.

Mardi matin, sa famille et son avocat américain, John Broadley, ont déposé un ultime référé, mettant en avant sa santé précaire.

Il souffre notamment «de syndrome myélodysplasique (affections de la moelle osseuse), d'insuffisance rénale chronique, d'hyperoxalurie (déficit hépatique), d'anémie et d'arthrite», a affirmé son avocat qui assimile une expulsion à de la torture.

Né en Ukraine en 1920, John (Yvan) Demjanjuk, soldat dans l'Armée rouge, avait été capturé par les nazis au printemps 1942.

Il a ensuite été formé au camp de Treblinka, en Pologne avant de servir deux ans dans les camps de Sobibor et Majdanek, en Pologne et Flossenburg, en Bavière.

M. Demjanjuk a toujours affirmé avoir été forcé à travailler pour les nazis et avoir été confondu par des survivants avec d'autres gardiens.

«L'heure de son jugement a sonné», a réagi le rabbin Marvin Hier, fondateur du centre Simon Wiesenthal, qui est certain que l'ancien auxiliaire des camps de la mort perdra son appel et sera envoyé en Allemagne.

«Je n'ai pas de pitié pour son âge parce que je pense que les victimes qu'il a aidé à pousser dans les chambres à gaz auraient aimé atteindre les 89 ans», a ajouté le rabbin.