Drames conjugaux, coups de folie, suicides et tueries : les derniers jours ont été sanglants aux États-Unis. Certains évoquent maintenant le spectre d'une montée de la violence pendant la crise économique. Et l'histoire tend à leur donner raison.

Quand Richard Poplawski s'est rendu aux autorités après avoir abattu trois policiers et en avoir blessé deux autres, à Pittsburgh, il a expliqué son geste en affirmant qu'il était «déprimé par la perte de son emploi».

La veille, c'est un homme de 41 ans, au chômage et aux prises avec des difficultés financières, qui massacrait 13 personnes avant de se suicider dans la petite ville tranquille de Binghamton, dans l'État de New York.

Et hier, les policiers ont confirmé que le père de famille qui a abattu ses cinq enfants samedi venait à peine d'apprendre que sa femme le quittait.

«Rage de la récession»

Or, avant même de s'attarder sur les motivations des auteurs de ces crimes, des criminologues et des sociologues ont tracé dans les médias américains un lien entre la crise économique et la multiplication des crimes violents. Le quotidien britannique The Guardian est allé jusqu'à brandir le spectre d'une «rage de la récession».

«Ce n'est pas exagéré», affirme Irvin Waller, professeur de criminologie à l'Université d'Ottawa. M. Waller se spécialise dans l'étude des liens entre les taux de criminalité et la situation économique. Il n'est pas surpris de ce qui est survenu au cours des derniers jours.

«Il y a une forte corrélation entre la criminalité et le cycle des affaires. Et oui, on peut craindre une augmentation de la violence domestique au cours des prochains mois en se basant sur ce qui s'est produit par le passé.»

Les drames aussi violents que les trois tueries de la fin de semaine resteront très certainement des épisodes isolés. Mais les suicides pourraient augmenter. Tout comme les cas de violence conjugale.

Le professeur prévoit même que les prochaines statistiques sur le nombre de vols commis aux États-Unis et au Canada seront à la hausse, comme elles l'ont été pendant le dernier ralentissement économique.

En période de récession, explique M. Waller, les gens perdent confiance en leur avenir. Pas besoin d'être mis à pied pour consommer davantage d'alcool, pour avoir les idées plus sombres, pour être plus anxieux, plus agressif au bureau comme à la maison.

La dépression guette

«Quand l'économie va mal, le stress augmente et le stress, c'est un facteur de risque de problèmes psychiatriques», ajoute Diane Koszycki, psychiatre et professeure à l'Université d'Ottawa. Elle anticipe une hausse du nombre de dépressions au cours des prochains mois.

Or, cette fois-ci, la tendance pourrait même être plus marquée, avance Irvin Waller. « La récession a été très rapide et nous a pris par surprise. Le choc est plus grand pour certains. » Autre facteur aggravant pour les Américains: plusieurs n'ont pas seulement perdu leur emploi, mais aussi leur maison à cause de la crise des prêts hypothécaires. «C'est une partie importante de soi. Un repère dont la perte est particulièrement déstabilisante.»

Dans ces conditions, le soutien des proches est déterminant, ajoute Mme Koszycki. «Il faut être très attentif au moindre changement de comportement et surtout, ne pas hésiter à en parler. C'est notre responsabilité sociale à tous et encore plus particulièrement maintenant.»

Le hic, c'est qu'en période de crise, les gens sont aussi plus préoccupés par leurs propres problèmes, et plus susceptibles d'ignorer - involontairement - ceux des autres.