Les Etats-Unis sont en plein débat sur l'opportunité de créer une «commission vérité» afin d'enquêter sur les libertés que l'administration Bush a pu prendre avec la loi après le 11 septembre dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme».

«Rien n'a fait plus de mal à l'image des Etats-Unis dans le monde que la révélation que notre pays a déformé la loi et les limites du pouvoir exécutif pour autoriser la torture et les mauvais traitements», a estimé mercredi Patrick Leahy, le président démocrate de la commission des Affaires judiciaires du Sénat américain.

M. Leahy ouvrait une audience avec témoins sur la pertinence d'une telle enquête, au moment où de nouvelles révélations tombent semaine après semaine.

Lundi, l'administration Obama a publié neuf notes internes du gouvernement Bush. Elles attestent que celui-ci avait cherché à donner une base juridique à nombre de pratiques controversées, comme le transfèrement de prisonniers à l'étranger pour des interrogatoires secrets ou le pouvoir du président d'ordonner des écoutes téléphoniques sans mandat.

C'est pourquoi la question d'une enquête sur les responsabilités, qu'elle soit menée par le Congrès, par la justice ou par une commission indépendante, fait plus que jamais débat. Réclamée par plusieurs élus démocrates et par les organisations de défense des droits de l'homme, l'idée a toutefois été accueillie fraîchement par le président Barack Obama qui a dit préférer «aller de l'avant».

Mercredi, M. Leahy a souhaité que les Etats-Unis regardent «quelles erreurs ont été faites, de telle sorte que nous apprenions de nos fautes et que nous ne les répétions pas».

«Une commission permettra de raconter toute l'histoire, pas seulement les actes de chaque organisme», a estimé mercredi Thomas Pickering, un ancien haut responsable du département d'Etat, afin de «voir comment tout le gouvernement était en relation autour du traitement des détenus».

Pour lui, comme pour Lee Gunn, un ancien amiral, la commission devra renvoyer au ministère de la Justice la responsabilité d'engager d'éventuelles poursuites et rédigera un rapport circonstancié dont les législateurs s'empareront s'ils le souhaitent.

Il a également plaidé pour que la commission ait le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître mais pas - ou dans de très strictes limites - celui d'offrir l'immunité à certains en échange de leurs révélations.

Face à cette perspective, les républicains sont d'avance méfiants. «Je n'aurais aucun mal à regarder en arrière si j'avais une raison de le faire», a assuré mercredi Arlen Specter, membre républicain de la commission des Affaires judiciaires, en rappelant que les agissements de l'ancienne administration «ont été exposés, sont exposés» actuellement.

M. Specter a défendu le principe de poursuites pénales, au cas par cas, plutôt qu'un examen global.

«Il est naïf d'espérer d'une simple commission qu'elle règle l'amère controverse sur une politique passée et qu'elle la remplace par un consensus sur une "vérité" historique», a renchéri le juriste Jeremy Rabkin. Pour lui, de telles «commissions vérité» sont le fait de pays comme le Chili après Pinochet ou l'Afrique du Sud au sortir de l'Apartheid. «Nous ne sommes pas dans cette situation aux Etats-Unis».

L'avocat David Rivkin a vivement contesté le fondement juridique d'une telle commission. Il a également assuré que ce serait prendre le risque «d'augmenter la probabilité qu'un ancien haut responsable du gouvernement américain soit inculpé à l'étranger», soit par le tribunal d'un pays, soit par un tribunal international.