Trois mois après le meurtre d'un immigrant équatorien par un groupe d'adolescents qui cherchaient à tabasser «du Mexicain», la municipalité de Patchogue, en banlieue de New York, a du mal à panser ses plaies. Les attaques racistes s'y multiplient.

Les semaines ont passé, les gerbes de fleurs déposées sur le lieu du meurtre de Marcelo Lucero ont été emportées par le vent, mais les habitants de Patchogue, un village à 90 km à l'est de New York, ont de la difficulté à tourner la page. La raison? L'attaque raciste qui a entraîné la mort de l'Équatorien de 37 ans par un groupe d'ados de «bonnes familles» serait loin d'être un cas isolé.

 

À la fin janvier, les procureurs chargés du dossier ont accusé certains des sept adolescents impliqués d'avoir aussi attaqué ou tenté d'attaquer huit autres hommes d'origine hispanique. Et les procureurs croient également que plusieurs autres jeunes des environs s'adonnaient à la «chasse aux Latinos» sur une base régulière.

Le modus operandi de ces jeunes âgés de 16 et 17 ans? Ils buvaient généralement quelques bières dans des parcs avant d'aller chercher une proie à tabasser.

«On ne pensait pas que quelque chose comme ça pouvait arriver. En tant qu'hispanique, il n'est pas rare de se faire houspiller ou insulter, mais que quelque chose comme ça se produise, c'est décourageant», soutient Angel Borja, un Équatorien né dans le même village que Marcelo Lucero et qui le connaissait bien.

«J'ai vu la mère de Marcelo alors que le corps de son fils était rapatrié en Équateur, poursuit-il. Elle était atterrée. Son fils était venu aux États-Unis entre autres pour lui envoyer de l'argent, mais il n'y a rien qui puisse valoir la vie de son enfant.»

Arrivée aux États-Unis la semaine dernière, la mère de Lucero a assisté à une audience du procès. Assise quelques rangées derrière deux des accusés et leurs parents, elle n'a pas caché sa peine. En conférence de presse, elle s'est également dite «triste pour les mères de ces jeunes, parce qu'elles endurent beaucoup de peine.»

En débarquant dans le coquet village côtier de Patchogue, il est difficile de croire qu'un immigrant équatorien ait pu être sauvagement battu et poignardé à proximité de la rue principale. Les façades pastel et le petit port de plaisance donnent plutôt l'impression d'une banlieue aisée et sans problème.

«Je ne crois pas qu'il y ait un problème de racisme criant ici, soutient Carrie Locke, responsable de la bibliothèque de Patchogue qui offre de nombreux services aux latinos. Mais c'est vrai qu'on entend souvent des gens se plaindre que leurs enfants n'arrivent pas à trouver un emploi parce que les latinos prennent les petits jobs», nuance-t-elle.

Récente et importante, l'immigration hispanique est en train de changer le visage de cette communauté très blanche jusqu'il y a peu. Entre 1990 et 2000, la proportion des hispaniques est passée de 14% à 24% dans la municipalité de 12 000 habitants. Et la tendance se serait accélérée depuis.

Faisant les manchettes partout au pays, les attaques racistes de Patchogue ont également mis la police locale dans l'embarras. Des groupes hispaniques l'ont accusée d'avoir fermé les yeux devant le problème.

Nuancé, le président de l'organisme LatinoJustice, Cesar Perales, croit plutôt que de nombreux latinos, souvent en situation irrégulière, «craignent de se tourner vers la police pour demander de l'aide ou pour porter plainte».

Égrenant un chapelet d'attaques récentes à l'endroit d'hispanophones au pays - de La Nouvelle-Orléans à la Pennsylvanie -, il déplore particulièrement que les événements de Patchogue soient loin d'être exceptionnels. «Nombre de communautés sont témoins de ce genre d'attaques qui deviennent de plus en plus communes», s'inquiète-t-il.