À en juger par les tractations diplomatiques qui ont cours depuis quelques semaines des deux côtés de l'océan Atlantique, le controversé projet de bouclier antimissile longtemps défendu par l'administration de George W. Bush pourrait bientôt passer à la trappe.

L'entourage du nouveau chef d'État américain, Barack Obama, multiplie les déclarations sceptiques face à cette coûteuse initiative tout en montrant des signes de bonne volonté à l'intention de la Russie. Qui le lui rend bien.

 

Pour souligner son courroux face au projet de bouclier, Moscou avait menacé en novembre de déployer des missiles pointés vers l'Ouest dans l'enclave russe de Kaliningrad, à la frontière de la Pologne.

L'agence Interfax, citant un haut responsable militaire russe, a signalé la semaine dernière que tout déploiement de ce type était «suspendu» jusqu'à nouvel ordre parce que la nouvelle administration à Washington «ne cherche pas à accélérer le processus de déploiement» du bouclier.

La décision est survenue quelques jours après que le président américain eut conversé par téléphone avec son homologue russe Dmitri Medvedev, arguant de la nécessité de relancer leurs relations sur de nouvelles bases.

Au Forum de Davos, le premier ministre russe Vladimir Poutine a abondé dans son sens en parlant des «intérêts mutuels» liant les deux pays. Il a notamment plaidé pour une «modération des dépenses militaires».

Autre signe de rapprochement: la tenue, la semaine dernière, d'une rencontre du comité OTAN-Russie, dont les travaux avaient été suspendus l'été dernier en réaction à l'intervention des forces russes en territoire géorgien.

Le Nouvel Observateur avance que les États-Unis pourraient reculer sur le bouclier antimissile en contrepartie d'une réduction des arsenaux nucléaires. Et d'un durcissement de la position de Moscou sur le dossier iranien, qui figure en tête de liste des priorités du nouveau président américain.

Alimentant les spéculations, l'un des proches conseillers de Barack Obama en matière d'affaires internationales, Zbigniew Brzezinski, a mis en doute la viabilité technologique du bouclier antimissile le week-end dernier lors d'une visite en République tchèque.

Le petit pays avait signé l'année dernière une entente avec l'administration Bush en vue de permettre l'installation d'un radar censé faciliter la détection de missiles balistiques provenant de pays «hostiles» comme l'Iran ou la Corée du Nord. La Pologne a accepté de son côté l'installation de missiles intercepteurs.

Dimanche, le président de la Commission des affaires étrangères du Sénat tchèque, Jiri Dienstbier, s'est dit convaincu que le projet de bouclier antimissile allait être «mis au rancart à jamais». Il a notamment évoqué, à l'appui de ses dires, le fait que le vice-président américain, Joseph Biden, a toujours été opposé à toute variante du projet de bouclier spatial longtemps défendu par l'ex-président américain Ronald Reagan.

Personne en Europe ne veut d'un tel bouclier, a ajouté M. Dienstbier, qui ne s'étonnerait pas de voir Washington évoquer la crise économique pour justifier un changement de cap radical.

Peter Pesek, qui dirige la section internationale de l'un des principaux quotidiens tchèques, joint hier à Prague, a indiqué que la population du pays demeurait largement opposée à l'installation du radar. «Les gens savent que ça risquerait d'envenimer les relations avec la Russie plutôt que de les améliorer», souligne-t-il.

La question du bouclier, souligne le journaliste, sera certainement abordée par les autorités russes et américaines le week-end prochain à Munich lors de la Conférence sur la sécurité, sorte de Davos de la défense.

Le rapprochement entre Moscou et Washington survient alors que les médias sud-coréens et japonais évoquent un possible test de missile à longue portée par la Corée-du-Nord. Et que le lancement dans l'espace par l'Iran d'un satellite alimente les craintes des pays occidentaux de voir Téhéran se doter d'un missile balistique.

Le peu d'enthousiasme manifesté par la nouvelle administration américaine envers le projet de bouclier antimissile n'a rien pour déplaire au Canada, qui avait décidé en 2005, après plusieurs tergiversations, de ne pas participer à son élaboration.

Le gouvernement du premier ministre Stephen Harper, qui rencontrera Barack Obama ce mois-ci, avait écarté l'idée de rouvrir le dossier à son arrivée au pouvoir.