Rupture radicale, décisions symboliques, rythme effréné: la première semaine d'un Barack Obama tout juste investi à la présidence des États-Unis aura été un marathon très soigneusement mis en musique, histoire de marquer la rupture d'avec l'administration impopulaire de son prédécesseur, tout en évitant les prises de position trop partisanes ou idéologiques.

L'heure était au grand ménage: réparer l'économie, recoller l'image des États-Unis dans le monde, nettoyer le gouvernement... «Quelle occasion nous avons là de changer ce pays!», a lancé le nouveau patron à son entourage. «Les Américains comptent vraiment sur nous. Faisons en sorte d'en tirer parti».

C'est donc en fanfare qu'Obama a tourné la page Bush, signant pléthore d'ordres exécutifs renversant les politiques de son prédécesseur, histoire de montrer que l'équipe Obama ne perd pas une seconde pour remonter ses manches et mettre en oeuvre le changement promis.

Et ce d'autant que sur les plus gros des dossiers qui l'attendent -la crise et la guerre irakienne, tâches extrêmement complexes- il faudra du temps pour voir des résultats.

On savait le président-élu flegmatique. Les choses semblent n'avoir guère changé depuis qu'il a le poids des problèmes du pays et du monde sur les épaules... C'est sans ciller qu'il a vu mardi, au début de cette folle semaine, le président de la Cour suprême John Roberts se prendre les pieds dans le serment d'investiture. Même aisance totale pour son discours, qui a démonté toute la présidence Bush sans pourtant jamais tomber dans l'attaque personnelle.

Toujours aussi cool et détendu, Barack Obama a ensuite fait tournoyer son épouse Michelle de bal en bal. «Je ne transpire pas», a-t-il lancé. Parlant au propre, et sans doute aussi au figuré.

Mais l'animal à sang-froid autoproclamé est tout de même très nettement passé aux choses sérieuses. «C'est comme si Superman était sorti de la cabine téléphonique transformé en Clark Kent», note Fred Greenstein, politologue de Princeton University. «Il commence à abandonner la rhétorique pour dresser la liste des choses à faire. Il n'essaye pas d'en faire des tonnes. C'est très 'mettons-nous au boulot»'.

Mélangeant symbolisme et substance, Obama a utilisé une série d'outils pour imprimer d'entrée sa marque à la Maison-Blanche sans avoir à passer par le Congrès, entre déclarations publiques fortes et signature de directives administratives.

Devant ses conseillers économiques, il s'est engagé à des décisions radicales pour lutter contre la récession. Aux hauts responsables militaires, il a réclamé d'organiser un départ raisonnable d'Irak. Il a édicté de nouvelles règles pour un gouvernement éthique et transparent.

Il a ordonné la fermeture du centre de détention de Guantanamo, et de toute autre prison secrète de la CIA à l'étranger. Et nommé des vétérans pour s'attaquer aux dossiers du Proche-Orient et de l'Afghanistan-Pakistan.

Mais la plupart des affaires abordées de front en cette première semaine sont d'ailleurs, sauf pour ce qui est de Guantanamo, celles sur lesquelles il y a unanimité pour un nouveau départ.

Obama n'a pas voulu, en cette première semaine, creuser de fossés idéologiques. Pour George Edwards, professeur de Science politique à la Texas A&M University, il a «fait ce qu'il faut dans la bonne direction pour faire plaisir à ses partisans sur les sujets marquants. Dans le même temps, il n'a pas déclenché de colère immédiate chez les républicains, parce qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour les atteindre».

De fait, certains républicains tiquent certes sur son plan de relance économique ou la fermeture de Guantanamo, mais on ne les entend pas... Il faut dire que rien vraiment de ce qu'Obama a fait cette semaine n'était une surprise, qu'il avait largement préparé le pays et le Congrès à ces premières décisions, et mis sans relâche l'accent sur sa volonté de pragmatisme.

Bill Clinton, lui, avait donné le ton d'une présidence idéologique en s'attaquant à un tabou, cherchant d'entrée à revenir sur l'interdiction faite aux homosexuels de servir dans l'armée. Les progressistes avaient adoré, les conservateurs s'étaient étranglés, et l'armée et le Congrès, qui n'avaient pas été consultés, s'étaient fâchés.

Le seul dossier susceptible de déclencher les passions sur lequel Obama s'est penché cette semaine a été la révocation de l'interdiction de financement fédéral pour les organismes internationaux pratiquant ou facilitant l'avortement. C'est discrètement que la mesure, elle aussi totalement attendue, a été annoncée vendredi.

Enfin, autre rupture majeure d'avec Bush, le style. Le très connecté Obama a remporté le droit de rester scotché à son BlackBerry adoré, devenant le premier président en exercice avec droit au mail, malgré les risques. Il a débarqué impromptu dans les locaux de la presse accréditée à la Maison-Blanche «juste pour dire bonjour» et visiter les lieux. Il a également été aperçu dans les bureaux de son service de presse, soit deux endroits où George W. Bush n'aurait mis les pieds pour rien au monde.

Barack Obama a parcouru chaque texte de décret présidentiel avant de signer, en lisant des extraits et en les expliquant méthodiquement. Il s'est même interrompu à plusieurs pour demander une précision à son conseiller, manière de reconnaître qu'il ne sait pas tout et écoute son entourage... Chose que jamais Bush n'aurait faite en public.