Barack Obama a signé dès jeudi le décret ordonnant la fin de Guantanamo, sa prison et ses tribunaux d'exception, un acte hautement symbolique de sa volonté de rupture avec les années Bush, mais le parcours pour y parvenir est semé d'embûches.

Environ 245 prisonniers sont toujours détenus à Guantanamo. Le président américain s'est donné six mois pour décider du sort de chacun d'entre eux. Un réexamen méticuleux des raisons de leur incarcération sera mené par un «groupe de travail» co-présidé par le ministère de la Justice et le Pentagone et composé, entre autres, des services de renseignement.

Il aboutira à la libération et au transfert des détenus auxquels les Américains n'ont rien à reprocher.

Le groupe de travail décidera ensuite d'éventuelles poursuites judiciaires pour ceux qui restent.

Une troisième catégorie de détenus devrait alors apparaître: ceux qui sont considérés comme trop dangereux pour être transférés mais contre lesquels le gouvernement ne dispose pas d'assez de preuves, ou uniquement d'aveux obtenus sous la contrainte, inutilisables. Le groupe de travail devra chercher les «moyens juridiques» de les maintenir en détention.

«Le décret présente un processus et une aspiration mais il fait attention à laisser toutes les options sur la table et donne à la nouvelle administration une latitude très large», estime Benjamin Wittes, politologue à l'Institut Brookings, dans une note écrite.

«Guantanamo pose un problème d'image à notre pays», a reconnu dimanche John McCain, ancien candidat républicain à la Maison-Blanche. Mais «le président n'a pas présenté de plan (...) J'estime pour ma part qu'il doit y avoir des procès pour les criminels de guerre et des commissions militaires», a-t-il jugé sur Fox News. «Nous pouvons réformer ces commissions», a ajouté M. McCain.

Associations de défense des droits de l'homme, avocats de la défense et certains experts n'envisagent pas de détention indéfinie au motif d'une éventuelle dangerosité.

Mais la révélation qu'un ancien détenu de Guantanamo est devenu le numéro 2 d'Al-Qaeda au Yémen, après celle du Pentagone qu'une soixantaine d'anciens détenus ont repris les armes contre les États-Unis pourraient compliquer le débat sur leur sort.

Autre problème de taille, la Cour suprême a autorisé les détenus à contester leur détention devant la cour fédérale de Washington. Ce qui signifie qu'un réexamen des dossiers par la justice civile risque d'avoir lieu en parallèle.

Jusqu'ici, sur neuf dossiers aboutis, six détenus ont été déclarés illégalement enfermés.

Mardi, un juge fédéral a reporté trois audiences sur demande de l'administration Obama mais «les avocats des détenus peuvent s'opposer à une telle requête», explique à l'AFP David Cynamon qui défend quatre Koweïtiens.

Par ailleurs, la question de l'accueil des détenus, dans un pays tiers pour ceux qui seront libérés, aux États-Unis pour les autres, reste posée.

Elus démocrates et républicains s'affrontent au Congrès, les uns pour promettre d'ouvrir grand leurs prisons, les autres pour interdire que de «dangereux terroristes» soient transférés dans leur État.

La juridiction qui remplacera les tribunaux d'exception (commissions militaires), dont l'activité a été suspendue mercredi à la demande de M. Obama, est la dernière mais non la moindre des interrogations.

Tribunaux militaires ou cours fédérales classiques, cours de «sécurité nationale» ou commissions militaires amendées figurent parmi les possibilités.

La nouvelle administration n'a exclu aucune piste, au grand dam des avocats de la défense qui voudraient voir les affaires portées devant les cours fédérales - qui ont déjà jugé une centaine de terroristes aux États-Unis - ou martiales.