La décision de Barack Obama de suspendre les procès de Guantanamo a été unanimement saluée mercredi, beaucoup espérant que cette annonce préfigure la fermeture de ce camp controversé, annoncée par le nouveau président avant son élection.

Le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, Manfred Nowak, a ainsi salué une décision «très positive». «Le président Obama a très vite mis en oeuvre la mesure de suspension qu'il avait annoncée», a ajouté ce responsable autrichien qui a constamment dénoncé les conditions de détention sur la base américaine à Cuba.

«Je pars du principe que (ces tribunaux militaires) vont être supprimés et que les personnes concernées vont être rapidement amenées aux Etats-Unis pour y être déférées devant de véritables tribunaux, civils, où elles jouiront de tous leurs droits», a-t-il souligné.

Tout juste investi, Barack Obama a demandé la suspension des procédures judiciaires devant les tribunaux d'exception de Guantanamo pendant 120 jours. Mercredi, le juge Patrick Parrish, chargé du dossier du Canadien Omar Khadr, arrêté à 15 ans et poursuivi pour crime de guerre, s'est conformé à cette demande.

L'administration de George W. Bush avait créé en 2006 ce système judiciaire d'exception pour juger les détenus de la prison. 21 prisonniers y sont actuellement inculpés, sur 245 prisonniers environ, selon le Pentagone.

En Europe, les premières réactions ont été favorables, à commencer par celle du commissaire européen à la Justice, Jacques Barrot, qui a salué «un symbole très fort» et jugé que la page d'un «triste épisode» était ainsi tournée.

L'Espagne a exprimé sa satisfaction tout en plaidant pour la fermeture du camp, symbole des excès de la «guerre contre le terrorisme» de Bush. «La décision de fermer Guantanamo est une décision politique qui est pour moi nécessaire (...) Guantanamo n'aurait jamais dû exister et j'espère que sa fermeture se fera rapidement», a déclaré le chef de gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero.

Amnesty International a pour sa part demandé l'abandon pur et simple des poursuites contre les détenus, tout en saluant «un pas dans la bonne direction».

Les pays asiatiques musulmans espèrent que cette annonce laisse augurer une fermeture du camp tristement célèbre, dont les images, à son ouverture, de prisonniers en combinaison orange, un sac noir sur la tête, enfermés dans des cages grillagées ont fait le tour du monde.

«Sur le principe, nous saluons» cette décision, a déclaré Homayun Hamidzada, porte-parole du président afghan Hamid Karzai. Des centaines de détenus de Guantanamo ont été capturés en Afghanistan.

Au Pakistan voisin, le principal parti islamiste a qualifié de «bonne» cette annonce.

En Indonésie, une vingtaine de militants des droits de l'Homme ont manifesté à Djakarta pour demander à M. Obama la fermeture immédiate de Guantanamo.

Au Maroc, le président de l'Association Ennassir de soutien aux prisonniers islamistes, Abderrahim Mouhtad, a jugé que M. Obama avait «bien assumé sa responsabilité».

Mais une fermeture de Guantanamo pose la question du devenir des détenus. Si l'Espagne, par la voix de son chef de la diplomatie Miguel Angel Moratinos, s'est dite disposée à «collaborer» au processus de fermeture, cette question ne fait pas l'unanimité en Europe et a même provoqué une querelle au sein du gouvernement de coalition allemand.

Le ministre de l'Intérieur Wolfgang Schäuble, membre du parti chrétien-démocrate de la chancelière Angela Merkel, s'est opposé à un accueil des anciens détenus, alors que le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, un social-démocrate, a écrit à M. Obama pour lui proposer d'en accueillir.

Le porte-parole du gouvernement Ulrich Wilhelm a de son côté indiqué que Mme Merkel était prête à discuter de la question avec M. Obama.

Le Portugal s'est aussi dit prêt à recevoir d'anciens prisonniers, tandis que le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner est pour un éventuel accueil «au cas par cas». La Suisse a indiqué mercredi être «prête à étudier» la possibilité d'un accueil.

Mais la Suède, le Danemark ou les Pays-bas ont catégoriquement refusé.

Ce sujet doit être abordé lundi à Bruxelles par les ministres des Affaires étrangères de l'UE.