Les procédures judiciaires qui doivent se tenir cette semaine à Guantanamo pourraient être suspendues en pleine audience, aussitôt que Barack Obama se sera assis dans son fauteuil de président des États-Unis, plongeant dans l'incertitude le sort des inculpés.

Deux procédures parallèles sont programmées dans les salles d'audience construites sur la base navale américaine de Guantanamo (Cuba), hors de vue de la prison, pour juger les détenus inculpés de «crimes de guerre». D'une part, le juge militaire Stephen Henley va examiner jusqu'à mercredi le dossier des cinq hommes accusés d'avoir organisé les attentats du 11-Septembre, dans l'attente de leur procès. Le juge devra notamment se pencher sur la responsabilité mentale de Ramzi Binal Shibh.

Lors de leur dernière comparution devant le juge, en décembre, les cinq hommes avaient annoncé leur volonté de plaider coupable, puis avaient réservé leur décision.

D'autre part, Omar Khadr, un citoyen canadien arrêté en Afghanistan alors qu'il avait 15 ans et poursuivi pour avoir tué un soldat américain, doit comparaître toute la semaine pour les ultimes audiences avant son procès programmé pour le lundi suivant.

Mais selon Sarah Mendelson, du Centre d'études stratégiques et internationales, le procès n'aura pas lieu. «Les commissions militaires vont s'arrêter mardi ou mercredi prochain», prédit-elle à l'AFP.

Créées par le Congrès en 2006, les commissions militaires de Guantanamo sont des tribunaux militaires d'exception très controversés. Contre tous les principes du droit américain, elles acceptent les déclarations de témoins qui ne viennent pas les confirmer à la barre, ne rejettent pas les preuves obtenues sous la contrainte et n'obligent pas l'accusation à fournir à la défense les éléments qu'elle retient à charge.

Sur une vingtaine de détenus inculpés en tout (sur 250 environ emprisonnés à Guantanamo), deux ont été jugés jusqu'ici par ce système - un a été condamné à six mois de prison supplémentaires et un a refusé de se défendre. Un troisième a plaidé coupable en échange d'une peine de quelques mois effectuée dans son pays, l'Australie.

Plusieurs hauts responsables militaires de ces commissions en ont claqué la porte, dénonçant le manque d'éthique du système.

«Il est prévisible que le dispositif soit arrêté, je m'attends à ce que les procès s'arrêtent avant d'avoir commencé», assure Mme Mendelson, pour qui il s'agira d'une des premières décisions de M. Obama.

Dans un entretien à la chaîne de télévision ABC le 11 janvier, M. Obama a réitéré son intention de fermer la prison de Guantanamo tout en soulignant que c'était un processus complexe. «Un des défis à relever c'est que nous avons un groupe de personnes emprisonné, parmi lesquelles un grand nombre de personnes qui peuvent être très dangereuses et n'ont pas été jugées», a expliqué Barack Obama.

Lors de sa séance de confirmation au Sénat, jeudi dernier, le nominé au poste de ministre de la Justice, Eric Holder, n'a pas donné de date ni même évoqué une possible suspension des commissions militaires.

Rappelant que le dossier de chaque détenu de Guantanamo serait revu, il a cité les cours fédérales ou les cours militaires classiques pour se substituer aux commissions militaires et juger ceux d'entre eux qui seraient inculpés. Mais il a aussi estimé possible de les réutiliser, à condition qu'elles soient «sérieusement retapées».

Les avocats de la défense, les principales associations américaines de défense des libertés et des droits de l'homme et de nombreux spécialistes du droit constitutionnel pressent la nouvelle administration de transférer les procédures devant des cours fédérales.