Le président américain George W. Bush a accordé mardi sa grâce à 19 personnes et commué la peine d'une vingtième, mais a continué à laisser en suspens le sort de personnalités qui ont elles aussi demandé son indulgence, a annoncé le département de la Justice.

Si aucun grand nom ne figure dans la liste publiée mardi, celui de Charles Thompson Winters y est, à titre posthume, près de 60 ans après sa condamnation en 1949 à 18 mois de prison et 5.000 dollars d'amende pour son aide aux juifs combattant les Arabes pour l'indépendance d'Israël en 1948. Selon un responsable de l'administration, M. Winters avait enfreint les lois américaines en utilisant son négoce de fruits pour vendre de vieux bombardiers B-17 aux juifs. Winters n'a jamais demandé sa grâce. Les deux véritables chefs du réseau ont été graciés en 1961 et 2000.

Il s'agit d'un cas rarissime de grâce posthume, le seul autre connu étant a priori celui d'un élève noir de l'académie militaire de West Point, indûment condamné.

Sinon, les mesures annoncées mardi visent des faits d'escroquerie, de détention illégale d'armes ou d'infractions aux lois sur la drogue, couverts pour la plupart par des condamnations mineures.

Elles portent à 190 le nombre de grâces prononcées par M. Bush en bientôt huit ans, et à 9 celui des commutations, selon des statistiques du département de la Justice.

Avant lui, Jimmy Carter avait exercé à 566 reprises son droit de clémence, Ronald Reagan 406, et Bill Clinton 459.

Le père de l'actuel président, George H.W. Bush, avait en revanche donné l'exemple à son fils d'un usage regardant du droit de clémence, avec seulement 74 grâces et 3 commutations.

Certaines personnalités qui ont demandé sa mansuétude à M. Bush doivent donc encore attendre.

Mais un porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Fratto, a clairement réservé à M. Bush le droit de prononcer des grâces jusqu'à la toute fin de sa présidence le 20 janvier, malgré la polémique soulevée par M. Clinton quand il avait gracié 140 personnes le dernier jour.

«Le président a conservé l'autorité qui est la sienne et qui lui permet de le faire jusqu'à son dernier jour en tant que président», a dit M. Fratto.

Parmi les centaines de requêtes en souffrance au département de la Justice se trouve celle du magnat déchu de la presse Conrad Black, souvent comparé au «Citizen Kane» d'Orson Welles, emprisonné pour un détournement de 60 millions de dollars.

Y figurent aussi l'ancien parlementaire républicain Randy «Duke» Cunningham, l'ancien gouverneur démocrate de Louisiane Edwin Washington Edwards, impliqués dans des affaires de corruption et de racket, ou encore John Walker Lindh, dit le «taliban américain», condamné à 20 ans de prison après avoir plaidé coupable d'avoir porté les armes avec les talibans, a-t-on appris auprès de l'administration.

Il y a le cas, éminemment épineux, de Jonathan Pollard. Ce juif américain a été condamné à la prison à perpétuité pour espionnage au profit du grand allié israélien des États-Unis. Le gouvernement israélien ne cesse de demander sa remise en liberté.

Mais l'un des cas qui nourrissent le plus les conjectures est celui de l'ancien bras droit du vice-président Dick Cheney, Lewis «Scooter» Libby, condamné en 2007 à deux ans et demi de prison et 250.000 dollars d'amende dans une affaire touchant à la justification de la guerre en Irak.

M. Bush a déjà usé de ses prérogatives pour lui épargner la prison, tout en maintenant l'amende et la mise à l'épreuve pendant deux ans.

Le département de la Justice a dit à l'AFP ne pas avoir de requête en clémence de la part de M. Libby. Mais cela n'exclut pas qu'une demande ait été directement soumise à la Maison-Blanche, a-t-il dit.