Barack Obama, dont les Américains viennent de faire leur premier président noir, pouvait savourer sa victoire historique mercredi mais était aussi confronté à la tâche titanesque d'apporter le changement qu'il a tant promis.

Dans toutes les grandes villes des États-Unis, des scènes de liesse ont accueilli mardi soir l'élection sans appel de Barack Obama face à son adversaire républicain John McCain. M. Obama a obtenu 349 mandats de grands électeurs contre 163, selon des résultats non encore définitifs, alors qu'il en fallait 270 pour être élu. Il a aussi remporté la majorité du vote populaire.

La presse américaine unanime saluait, à l'image du Wall Street Journal, le fait qu'un Noir ait atteint «le sommet du pouvoir aux États-Unis, seulement deux générations après la fin» des lois sur la ségrégation. «C'est quelque chose qui n'est jamais arrivé dans un autre pays occidental», souligne le quotidien économique, «en dépit du dédain européen au sujet de l'Amérique +raciste+».

«Obama fait l'Histoire», titrait le Washington Post, tandis que le New York Times soulignait le «triomphe décisif et sans appel» d'un «Américain dont le nom est Barack Hussein Obama, fils d'une femme blanche et d'un homme noir».

Mais, dès son discours mardi soir à Chicago, Barack Obama ne cachait pas «l'immensité de la tâche» à laquelle il allait devoir s'atteler, au moment où les États-Unis traversent leur plus grave crise financière depuis celle de 1929.

La récession menace, le chômage atteint déjà 6,1% de la population active et le déficit public est proche des 500 milliards de dollars. Le pays est aussi engagé dans des conflits qui s'éternisent en Irak et en Afghanistan.

«A l'heure où nous célébrons la victoire ce soir, nous savons que les défis de demain sont les plus importants de notre existence -- deux guerres, une planète en péril, la plus grave crise financière depuis un siècle».

«La route sera longue. Le chemin sera escarpé. Nous n'atteindrons peut-être pas notre but en un an ou même en un mandat, mais il n'y a jamais eu autant d'espoir que ce soir, mais le peuple américain y arrivera», a-t-il promis.

M. Obama va devoir veiller à ne pas décevoir l'immense espoir qu'il a fait naître dans l'électorat, préoccupé au premier chef par l'économie. Il s'est engagé à baisser les impôts pour 95% des salariés, à engager une politique de grands travaux et garantir une couverture santé pour tous.

Sur le plan international, il a promis de retirer les soldats américains d'Irak «de façon responsable» dans un délai de 16 mois et de concentrer les efforts à la lutte contre Al-Qaeda et les talibans.

L'organisation des droits de l'Homme Amnesty International lui a donné mercredi 100 jours pour «réparer les dégâts causés» par la présidence Bush, l'appelant notamment à fermer le centre de détention de Guantanamo.

Sa victoire a été saluée à travers le monde comme un signe de «changement et d'espérance» par les alliés traditionnels de Washington mais aussi dans le camp le plus hostile à l'hégémonie américaine. Les géants asiatiques, la Chine et l'Inde, ont exprimé l'espoir que leurs relations avec la première puissance mondiale s'élèvent à «un nouveau niveau» tandis que l'Europe était unanime à se réjouir, Russie exceptée.

Le président français Nicolas Sarkozy a ainsi déclaré que cette victoire soulevait «un immense espoir».

En Afghanistan, le président Hamid Karzai a estimé que cette élection avait «fait entrer le peuple américain, et avec lui le reste du monde, dans une ère nouvelle». Quant au chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, il a déclaré: «nous ne pensons pas qu'il y aura un brusque changement politique, et il n'y aura pas un désengagement rapide américain d'Irak», a-t-il déclaré.

Les marchés boursiers n'étaient pas non plus euphoriques mercredi. Après des clôtures en forte hausse à Tokyo (+4,46%) ou Hong Kong (+3,2%), les Bourses européennes ont ouvert dans le rouge et accentué leurs pertes en séance.

La Bourse de New York a ouvert en baisse, les investisseurs se tournant déjà vers les défis économiques à relever: le Dow Jones perdait 1,19% et le Nasdaq 1,14%.

Barack Obama va devoir très vite mettre en place son équipe s'il veut réussir la transition avec le président George W. Bush, à qui il succèdera dans le bureau ovale le 20 janvier.

Le nom du secrétaire général de la Maison-Blanche pourrait être annoncé dès cette semaine. Le représentant démocrate de l'Illinois Rahm Emanuel était cité mercredi comme le choix le plus probable par la chaîne de télévision ABC News. Le choix du secrétaire au Trésor et du secrétaire à la Défense seront également cruciaux.

La tâche du président élu pourrait être facilitée par le fait que les démocrates ont vu mardi leur majorité confirmée au Congrès. Les Américains étaient aussi appelés à renouveler un tiers du Sénat et la totalité de la Chambre des représentants. Selon des résultats partiels, les démocrates pourraient emporter 56 sièges sur 100 au Sénat et ont conforté leur majorité à la Chambre des représentants.