«Pendant un moment, mon coeur s'est arrêté de battre.» Raul Sandoval, 22 ans, sautait littéralement de joie lorsqu'on a annoncé que Barack Obama avait été élu président. Une victoire symbolique et historique.

«Je n'arrive pas à le croire. C'est un grand jour. Je suis ravi d'être ici. De faire partie de l'histoire.»Rassemblés à Grant Park, au centre-ville de Chicago, sur les rives du lac Michigan, les quelque 65 000 partisans d'Obama exultaient. Certains s'enlaçaient. D'autres fondaient en larmes.

En fait, la seule façon d'avoir une bonne idée de l'ambiance qui régnait dans cette véritable marée humaine est de prendre un dictionnaire des synonymes et de chercher le mot «liesse».

En vrac, donc : joie, allégresse, jubilation, exultation, exaltation, ivresse...

Les Afro-américains étaient particulièrement émus.

«Mes parents habitaient au Mississippi dans les années 60, à l'époque des lois Jim Crow, qui privaient les Noirs de droits fondamentaux. Ils s'accrochaient à l'espoir que tout ça changerait», a raconté Romandis Moore, un pasteur noir de Chicago.

«Aujourd'hui, nous assistons à une manifestation de ce changement», a-t-il ajouté en soulignant le caractère historique de l'événement.

«C'est la preuve que nous pouvons, comme peuple, être uni. Obama va guérir cette nation. Nous pouvons être rassemblés», a renchéri Chantelle Wilkins, une Afro-américaine accompagnée de son fils adolescent.

Dans un discours inspiré, le président élu a fait écho à ces souhaits. Il a promis le changement, mais aussi l'unité. «Je serai votre président aussi», a-t-il d'abord lancé à ceux qui n'ont pas voté pour lui.

«Nous n'avons jamais été uniquement un regroupement d'individus. (...) Nous sommes les États-Unis d'Amérique», a-t-il ajouté. Il reprenait le thème du célèbre discours qu'il a prononcé à la convention démocrate de 2004, qui a lancé sa carrière météorique.

Car ce n'est pas uniquement à cause de la couleur de la peau d'Obama que les Américains ont l'impression de voir l'histoire s'écrire sous leurs yeux. «C'est aussi parce que son ascension a été exceptionnelle. Et parce qu'il personnifie l'idée du changement. Il y a trop longtemps qu'il n'y a pas eu de changement», a déclaré Scott Jarrett, âgé de 30 ans.

Cet étudiant en art était l'un des nombreux jeunes qui s'étaient massés hier à Grant Park pour célébrer la victoire pressentie d'Obama. Certains de ces jeunes tenaient à bout de bras une immense banderole où on pouvait lire «Obamanomenon».

Les créateurs de ce néologisme ont eu du flair. Obama n'est pas simplement un politicien doué. Il est un véritable phénomène. L'état d'esprit des partisans rassemblés hier reflétait encore une fois l'effet si particulier que le politicien de 47 ans peut avoir sur un si grand nombre d'Américains.

C'est probablement ce qui explique qu'Obama ait cherché, hier, à tempérer les attentes quant à la suite des choses. «La route qui nous attend sera longue», a-t-il prévenu avant d'énumérer la liste des défis auxquels fait face son pays. Et de promettre aux Américains, bien sûr, que ces défis, il les aidera à les relever.