Hier après-midi, Kayleen Hayhurst, 17 ans, s'est absentée de son école secondaire avant la fin des cours. L'adolescente de Zanesville n'a pas fait l'école buissonnière pour profiter du magnifique soleil d'automne, mais pour assister avec deux de ses copines au discours de Joe Biden, colistier de Barack Obama.

Au cours d'une dernière journée marathon qui l'a mené dans trois États, le candidat démocrate à la vice-présidence a fait un dernier crochet par cette petite ville de l'est de l'Ohio, aussi célèbre pour son pont en forme de Y que pour son taux de chômage reflétant le marasme économique qui affecte durement l'État du MidWest américain.

En 2004, Zanesville, qui avait voté à 57% en faveur de la réélection de Bush, a participé à la défaite de John Kerry. Si ce dernier avait réussi à percer l'est et le sud de l'Ohio, des bastions républicains, il aurait accédé à la Maison-Blanche.

Quatre ans plus tard, l'Ohio, avec les 20 grands électeurs qu'il accordera au candidat vainqueur, est à nouveau une clé de voûte de l'élection présidentielle. Les derniers sondages indiquent que Barack Obama a une avance de 5 à 7%, mais l'écart est trop modeste pour concéder l'Ohio d'avance. L'enjeu est particulièrement grand pour John McCain: aucun républicain n'a pris possession du bureau Ovale sans le soutien de l'Ohio.

Hier, en se pointant dans le parc de la colline Putnam de Zanesville, Joe Biden lançait une dernière salve pour grappiller des votes à ses adversaires, demandant à ses partisans un dernier effort de mobilisation.

Même si elle ne peut pas encore voter, Kayleen Hayhurst a décidé de répondre à l'appel. Ce matin, elle oubliera à nouveau son sac d'école à la maison et se rendra au bureau de campagne de Barack Obama. «Chaque vote que je ferai sortir sera en quelque sorte ma manière de me venger d'avoir 17 ans», a dit à La Presse l'adolescente.

Au cours de l'automne, elle a aussi participé à l'inscription de ses collègues de classe, majeurs ceux-là, sur la liste électorale. «Je m'implique aussi un peu pour venger ma ville, dont l'économie est tombée en morceaux sous l'administration Bush. Mes parents ont perdu leur emploi quand les usines du coin ont fermé ou déménagé à l'étranger», a ajouté la brunette, vêtue d'un T-shirt d'un groupe hard rock.

À la Karl Rove

Journaliste au Columbus Disptach, Jonathan Riskind croit que si Obama a réussi à faire des avancées dans certains secteurs de l'Ohio qui étaient traditionnellement acquis aux républicains, dont Zanesville, c'est en grande partie grâce à Kayleen Hayhurst ou plutôt, ce qu'elle représente. «En 2004, John Kerry menait en Ohio une campagne dirigée de Washington. Il avait envoyé sur le terrain des étudiants d'autres États, qui avaient des anneaux dans le nez et des cheveux en brosse. Cette fois, Obama mène une campagne de terrain à la Karl Rove (le stratège républicain), avec des gens issus du milieu», observe le commentateur politique qui sillonne l'Ohio depuis des semaines pour son quotidien.

Au cours du week-end dernier, pendant que Barack Obama faisait une apparition dans les trois plus grandes villes de l'Ohio, 20 000 bénévoles démocrates frappaient aux portes pour inciter leurs partisans à voter par anticipation. Hier, la secrétaire d'État de l'Ohio, Jennifer Bruner, annonçait que près de 2 millions des 6,5 millions d'électeurs inscrits ont déjà voté.

Mais l'équipe McCain-Palin est loin d'avoir dit son dernier mot dans cet État clé, où l'on prédit une participation record de 80%. Misant dans leurs discours sur les valeurs conservatrices de bon nombre d'électeurs, le duo républicain s'est pointé dans une quinzaine de villes de l'Ohio au cours de la dernière semaine seulement. À Zanesville, hier, pendant que Joe Biden discourait, une petite armée de bénévoles républicains s'affairait. «À voir la réponse qu'on reçoit au téléphone, l'Ohio est loin d'être perdu», a dit à La Presse hier Cathy Dorman, une ménagère qui a consacré ses trois derniers mois à la campagne républicaine.