Les Américains se coucheront-ils au soir du 4 novembre sans connaître le nom de leur prochain président? Si une réédition de l'affaire du recomptage des voix en Floride lors de la présidentielle de 2000 est peu vraisemblable, plusieurs «scénarios catastrophe», certes peu probables mais pas impossibles, pourraient plonger le scrutin dans la confusion et la controverse, et ainsi retarder l'annonce du résultat.

 Un cas de figure théoriquement possible serait que Barack Obama et John McCain obtiennent le même nombre de grands électeurs (269). Cela pourrait arriver si le candidat démocrate gagnait les mêmes États que John Kerry en 2004, plus l'Iowa, le Nouveau-Mexique et le Nevada. Il y aurait aussi égalité parfaite si McCain prenait le New Hampshire aux démocrates mais perdait l'Iowa, le Nouveau-Mexique et un autre État remporté par George W. Bush il y a quatre ans, le Colorado.

Dans une telle situation, c'est la future Chambre des représentants, qui sera entièrement renouvelée le 4 novembre, qui aurait à désigner le nouveau président, le principe étant que les délégations parlementaires de chaque État disposent chacune d'une voix. L'unique représentant du Wyoming aurait ainsi un poids équivalent aux 53 élus de la Californie.

Les démocrates contrôlent aujourd'hui les délégations de 26 États, contre 21 pour les républicains, et ils devraient conserver ou accentuer cet avantage. Si bien que dans l'hypothèse peu plausible d'une égalité de grands électeurs, c'est Obama qui accéderait certainement à la Maison-Blanche. Une telle égalité ne s'est produite qu'en 1800 et 1824: la Chambre avait alors préféré John Quincy Adams à Andew Jackson.

Reste que la confusion, de longues files d'attente et de possibles contestations en justice dans plusieurs circonscriptions sont sans doute plus probables le jour du scrutin. De tels problèmes auraient toutefois un impact limité, à moins qu'ils ne se produisent dans un État où la course est extrêmement serrée et qui pourrait faire basculer l'élection.

C'est bien ce qui s'était passé en Floride en 2000. La Cour suprême avait mis fin à l'imbroglio politico-judiciaire né de la contestation de l'infime avance accordée à George W. Bush sur Al Gore dans cet État. Le Congrès avait par la suite voté la loi «Help America Vote», qui a débloqué trois milliards de dollars pour l'achat de matériel électoral neuf et le financement d'autres mesures.

La plupart des circonscriptions ont salué cet effort, mais des responsables électoraux notent que des millions d'Américains voteront à l'aide de nouveaux équipements auxquels ils ne sont pas habitués, pas plus que les scrutateurs. Certains bureaux de vote pourraient aussi être débordés par un taux de participation record.

Les problèmes survenant le jour de l'élection sont plus souvent d'origine humaine que liés à un dysfonctionnement du matériel, affirme Kimball Brace, président du cabinet Services de données électorales.

Les démocrates accusent les républicains d'avoir eu recours à la désinformation et à l'intimidation dans de précédentes élections pour tenter de limiter la participation dans des bastions démocrates, notamment dans des quartiers noirs.

Le gouverneur démocrate de l'Ohio Ted Strickland affirme que les républicains cherchent à intimider les électeurs nouvellement inscrits dans son État en multipliant les actions en justice qui mettent en doute leur droit à participer au scrutin. Les responsables du Grand Old Party assurent qu'ils veulent simplement éviter la fraude électorale.

En Floride, des milliers de nouveaux électeurs pourraient être privés de vote en raison de différences entre leur formulaire d'inscription sur les listes électorales et des documents officiels comme leur permis de conduire. Et en août dernier, dans le comté floridien de Palm Beach, qui utilisait un nouveau matériel de vote, les autorités ont perdu 3 500 bulletins dans le cadre d'une élection locale serrée. Les suffrages ont finalement été retrouvés, mais il a fallu trois recomptages des voix avant de désigner le vainqueur, un mois après.

Les équipes d'Obama et de McCain ont pris des mesures pour tenter d'éviter les problèmes et faciliter le vote de leurs partisans. «Nous avons envoyé des éclaireurs des mois à l'avance», pour identifier de possibles points sensibles et consulter les responsables électoraux à travers le pays, précise Jenny Backus, membre de l'équipe démocrate. La campagne Obama a organisé de nombreuses réunions pour aider les électeurs potentiels à connaître leurs droits, dit-elle, et une armée d'avocats volontaires se tiennent prêts à intervenir en cas de litiges.

«Nous aurons des gens partout -des bénévoles, des personnes chargées d'observer les sondages, des avocats- qui porteront leur attention sur des problèmes que nous avons vu par le passé le jour de l'élection», déclare de son côté Ben Porritt, porte-parole de l'équipe de John McCain. Ils se concentreront sur certaines circonscriptions où «nous avons vu des exemples d'activités frauduleuses», notamment des manoeuvres pour inscrire indûment des électeurs, ajoute-t-il.

Dans l'hypothèse peu probable où l'issue de l'élection dépendrait du résultat dans l'État de Washington, le suspense pourrait en théorie être prolongé de plusieurs jours: le système de vote par correspondance en vigueur dans l'État autorise en effet l'envoi de bulletins par la poste jusqu'à minuit le jour de l'élection, le cachet de la poste faisant foi. Les sondages montrent toutefois que cet État penche fortement vers Barack Obama