Les blagues sur Barack Obama passent mal dans le contexte racialement délicat des Etats-Unis, où seuls des comédiens noirs se hasardent à plaisanter au sujet du candidat démocrate qui pourrait devenir le premier non-Blanc à s'installer à la Maison Blanche.

«Est-ce que je voudrais un président noir-noir ? Bien sûr !» s'exclame le comédien d'origine africaine David Alan Grier, dans sa nouvelle émission «Chocolate News». «J'en veux un tellement noir qu'aucun taxi de Manhattan ne s'arrête pour le prendre».

«Il faudrait qu'il soit si noir que quand il arrive à l'ONU, les chefs d'Etat disent: 'Oh non, pas ce fils de p...'«, poursuit le comique. «Mais en attendant que ce jour arrive, il faudra se contenter d'une moitié», ajoute-t-il, faisant allusion au fait que Barack Obama est un métis, de père kenyan et de mère américaine.

«Et aux Blancs qui n'arrivent pas à franchir le pas, je dis: Votez pour la moitié blanche !»

David Alan Grier a eu l'idée de lancer «Chocolate News», un faux journal diffusé sur la chaîne du rire Comedy Central, en constatant qu'une blague de son confrère John Stewart sur Obama tombait totalement à plat auprès du public.

«Grier s'est dit: 'si quelqu'un peut faire des plaisanteries sur Obama, c'est bien moi'«, explique Lauren Corrao, directrice des programmes de Comedy Central.

Loin de l'humour corrosif et des gros mots de Grier, son concurrent D.L. Hughley tente quelque chose de plus consensuel sur la chaîne d'information CNN. Dans son émission «D.L. Hughley Breaks the News», ce comédien noir a par exemple annoncé que Barack Obama projetait de rembourser les bijoux dentaires en or, appréciés des rappeurs «bling-bling», dans le cadre de sa réforme de l'assurance maladie.

Mais cet humour ne plait pas à tout le monde.

«C'est une émission choquante qui perpétue les stéréotypes négatifs sur le compte des Noirs», dénonce un internaute sur le blog blackpoliticalthought.com.

Jusqu'à présent, les blagues sur les Noirs étaient l'apanage d'acteurs de cinéma comme Eddie Murphy et ne passaient pas dans des émissions grand public.

«Grâce à l'humour, on peut se moquer d'une autre race ou de soi-même et ça n'est pas trop grinçant», souligne Gary Weaver, spécialiste des questions inter-culturelles à l'American University de Washington, observant que les comédiens peuvent soulever le débat sur des sujets tabous dans la société.

Mais dans un pays où les émeutes raciales restent des souvenirs assez frais, la question est sensible, ajoute l'universitaire. Beaucoup de Noirs évitent le sujet de la race par peur «de donner aux Blancs une excuse de ne pas voter pour Obama», explique-t-il.

Alors que l'assassinat de Martin Luther King reste présent dans les mémoires, «beaucoup d'Africains-Américains ont peur de voir des racistes recourir à la violence et estiment qu'il vaut mieux ne pas trop insister sur le fait qu'Obama est noir», ajoute M. Weaver.

Lena Williams, auteur d'un livre sur le racisme, s'inquiète aussi de l'humour de «Chocolate News», même si elle le trouve drôle. «Cela renforce la caricature», s'alarme-t-elle.

Mais Comedy Central défend l'émission. «Tant que l'on reste drôle, spirituel et dans la satire, on peut s'attaquer à presque tous les sujets», assure la directrice des programmes.