Barack Obama entre dans la dernière semaine de la campagne présidentielle avec quelques sondages et un fabuleux trésor de guerre d'avance sur John McCain. Dans un contexte économique et politique favorable aux démocrates, le sénateur de l'Illinois a sans doute intérêt à ne rien changer jusqu'au 4 novembre.

Le candidat démocrate pointe en tête de la plupart des enquêtes nationales ainsi que dans les États régionaux gagnés par le démocrate John Kerry en 2004. Il mène ou reste en course dans une demi-douzaine d'États ayant voté George W. Bush la dernière fois, y compris en Floride et dans l'Ohio, et même en Virginie, ex-fief républicain.

La crise économique et financière et l'impopularité rare du président sortant comptent parmi ses atouts. «Je pense qu'il doit continuer sur ce qui semble être la bonne voie», estime Fred Greenstein, politologue à Princeton. Auteur de plusieurs ouvrages sur la présidence, ce spécialiste conseille à Barack Obama de «ne pas gaffer et de ne pas exulter» comme certains favoris, finalement battus.

Les récents sondages montrent d'ailleurs un resserrement des scores des deux candidats, et la stratégie des derniers jours pourrait s'avérer décisive.

Avant de se rendre à Hawaï au chevet de sa grand-mère blanche gravement malade, Barack Obama a surtout fait escale dans des États ayant voté républicain en 2000 et 2004, comme la Floride, la Virginie, l'Indiana et le Missouri, où l'attendaient des foules nombreuses. Il devait poursuivre son immersion en territoire «rouge» cette semaine.

Pendant ce temps, John McCain tente de consolider sa base dans les bastions autrefois acquis au Parti républicain, en économisant ses fonds limités.

Barack Obama en revanche, avec son record de 150 millions de dollars (119 millions d'euros) récoltés rien qu'en septembre, peut continuer d'occuper le terrain publicitaire. Il s'est même payé un spot politique d'une demi-heure programmé pour mercredi soir sur les principales chaînes de télévision du pays, ce qui n'avait pas été fait depuis le milliardaire Ross Perot en 1992. Et personne avant lui n'avait placé de spots de campagne dans des jeux vidéo sur Internet.

Ignorant les attaques de John McCain sur le gauchisme, le manque d'expérience et l'élitisme supposés de Barack Obama, son équipe se concentre dans les derniers jours sur l'économie et les grands thèmes de sa campagne: le besoin de changement, la continuité Bush-McCain, et l'intérêt de son programme politique pour les classes moyennes.

«Les courses ont toujours tendance à se resserrer vers la fin (...) mais je ne pense pas que la dynamique de la campagne ait fondamentalement changé», analyse Doug Schoen, stratège démocrate et professionnel du sondage, qui a travaillé pour le président Bill Clinton et le maire de New York Michael Bloomberg. Cependant, prévient-il, «McCain a manifestement encore beaucoup de réserve pour se battre. Obama commettrait une erreur en perdant de vue des États comme la Floride, l'Ohio, le Colorado ou le Nevada, où la marge est étroite».

Barack Obama jouit d'une légère avance dans certaines enquêtes d'opinion dans le Colorado, qui avait voté Bush en 2000 et 2004. Les démocrates ont organisé leur convention d'investiture du candidat dans cet État, à Denver, et le sénateur noir de l'Illinois y a passé un temps considérable.

Pour Thomas Cronin, politologue au Colorado College de Colorado Springs et militant démocrate, «McCain est sur la défense. Il essaie de garder des États gagnés par Bush et a du mal pour une demi-douzaine d'entre eux», alors que «tout ce qu'Obama a à faire, c'est de rafler environ de quatre de ces États».

En Virginie, qui vire démocrate dans les derniers scrutins régionaux, Barack Obama «mène certainement de plusieurs points», estime Larry Sabato, politologue à l'université de Virginie de Charlottesville. «Qu'est-ce qu'il doit faire? Juste continuer. Tout va très bien pour lui (...) C'est une année démocrate, les fondamentaux sont démocrates. Il doit sans cesse revenir sur les problèmes économiques et lier McCain à Bush», conseille M. Sabato.

Et les coffres pleins de Barack Obama pourraient être décisifs dans la fin de partie. Le candidat démocrate, qui a récolté 605 millions de dollars (479 millions d'euros) entre le début de sa campagne début 2007 et la fin septembre, aura bientôt dépassé les 650 millions de dollars (515 millions d'euros) recueillis par George W. Bush et John Kerry ensemble en 2004. Ce qui a permis «de faire tout ce que nous voulions», déclare son responsable de la stratégie de campagne, David Axelrod.