Des attentats contre quatre villes américaines, les Russes envahissant l'Europe de l'Est, le bombardement nucléaire d'Israël, le mariage gay dans tous les États américains... et même la fin des boy-scouts. C'est ce qui menace l'Amérique si Barack Obama est élu, à en croire un groupe de la mouvance chrétienne conservatrice, qui intensifie ses attaques à l'approche de la présidentielle.

Faire peur pour mieux mobiliser les électeurs n'est certes pas nouveau. Mais les messages sont rarement aussi anxiogènes qu'en cette fin de campagne électorale, signe de la fébrilité de la droite chrétienne conservatrice devant les sondages donnant les démocrates vainqueurs aussi bien à l'élection présidentielle qu'aux législatives du 4 novembre. «La vie que nous connaissons sera finie si Obama est élu», écrit par exemple Steve Strang, rédacteur du magazine pentecôtiste «Charisma», évoquant un renforcement des mouvements pour les droits des homosexuels ou le droit à l'avortement, l'augmentation des impôts et «un regain d'attaques contre nos libertés de la part des gens qui détestent le christianisme».

La «Commission chrétienne contre la diffamation» (Christian Anti-Defamation Commission) a pour sa part publié sur Internet des spots vidéo exposant les «sept raisons pour lesquelles Barack Obama n'est pas chrétien» et accusant le candidat démocrate à la Maison-Blanche de se livrer à une «subtile et diabolique tromperie» en se présentant comme un chrétien quand il croit au salut par d'autres religions.

«Pour moi, ça a l'apparence, la démarche, le discours et l'odeur du désespoir», analyse le pasteur méthodiste Kirbyon Caldwell, de Houston, qui soutient Barack Obama après avoir milité pour le républicain George W. Bush lors des élections de 2000 et 2004.

La palme du catastrophisme anti-démocrate revient peut-être à l'organisation Focus on the Family Action, avec sa «Lettre de 2012 de l'Amérique d'Obama». Signé «un chrétien de 2012», le message fictif diffusé sur Internet imagine un avenir des plus sombres pour les États-Unis, en interprétant les positions politiques de Barack Obama et du Parti démocrate ainsi que de récentes décisions de justice.

On y voit une Cour suprême fédérale dominée par des juges gauchistes légaliser le mariage homosexuel ou ordonner aux Boy Scouts d'employer des animateurs homosexuels et de les autoriser à dormir sous la tente avec les garçons. Les boy-scouts préfèrent encore dissoudre leur organisation.

Comme Barack Obama «renâcle à envoyer des troupes à l'étranger», des attentats sur le sol américain tuent des centaines de personnes, la Russie occupe les Pays baltes et l'Europe de l'Est, et Al-Qaeda prend le pouvoir en Irak. Avec la nationalisation de la sécurité sociale, les plus de 80 ans n'ont plus le droit d'aller à l'hôpital, on fait la queue pour être opéré.

Focus on the Family Action veut «donner une idée générale» de ce qui se passera en cas de victoire démocrate à la Maison-Blanche et au Congrès, explique sa responsable de l'action publique Carrie Gordon Earll. «Si c'est une image apocalyptique, alors c'est une image réaliste.»

Dans la réalité, Barack Obama est favorable au droit à l'avortement et à l'union civile pour les couples homosexuels mais souhaite que chacun des 50 États soit libre de son choix en ce qui concerne le mariage gay. Il entend accroître la pression diplomatique sur l'Iran pour le faire renoncer à ses ambitions nucléaires et envoyer davantage de militaires en Afghanistan. En ce qui concerne les impôts, il milite pour une augmentation de 5% de ceux des contribuables gagnant plus de 250.000 dollars par an et pour une baisse des autres. Enfin, il demande une couverture sociale subventionnée pour les Américains ne pouvant se la payer.

Les visions angoissantes des conservateurs chrétiens s'adressent particulièrement aux jeunes évangéliques qui pourraient être tentés de voter démocrate, en supposant qu'ils pourraient faire basculer la victoire dans le camp de John McCain. Pour Margaret Feinberg, auteure évangélique de la région de Denver, cette stratégie est une erreur. «Les jeunes évangéliques en ont assez, comme la plupart des gens en ce moment, de la rhétorique basée sur la peur» plutôt que sur «les débats que voudraient les jeunes électeurs», dit-elle.

Steve Strang croit pourtant fermement à la politique du pire. Selon lui, c'est la mobilisation de dernière minute des chrétiens en 2004 qui a permis la réélection de George Bush en 2004, et elle pourrait jouer le même rôle cette année.