Les excès de George W. Bush et l'effondrement des marchés financiers ramènent déjà les démocrates aux valeurs du New Deal qu'ils avaient abandonnées sous Bill Clinton, mais Barack Obama reste un champion de l'ingérence à l'étranger, et cela n'augure rien de bon pour les pays pauvres ni pour le système mondial.

Tel est le regard que porte la politologue française d'origine américaine Susan George sur l'actualité aux États-Unis et dans le monde, du haut de plusieurs décennies d'études et de combat pour un ordre mondial juste et solidaire.

 

«Obama veut que les milliards versés aux banques soient accompagnés de milliards pour les petits propriétaires hypothéqués. C'est bien. Mais il veut intensifier la guerre en Afghanistan et la porter au Pakistan au besoin. Il va donc militariser encore plus l'économie, et tout l'Occident va le suivre», estime-t-elle.

Combattante altermondialiste

Auteure de plusieurs ouvrages percutants sur les inégalités mondiales, Susan George, 74 ans, oeuvre depuis longtemps avec l'Institut transnational (TNI), d'Amsterdam.

Plus récemment, elle s'est signalée avec ATTAC-France (Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyennes et citoyens) et avec la campagne contre l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et la mondialisation néolibérale.

Son dernier livre vient de sortir chez Fayard, sous le titre La pensée enchaînée, avant même l'édition anglaise intitulée Hijacking America. Sur 320 pages, elle décortique avec un grand talent de vulgarisatrice les fondements de ce qu'elle appelle «les droites» aux États-Unis (néo-libéraux économiques, néo-conservateurs sociaux, et droite religieuse) et l'immense toile d'influences qu'elles ont tissée depuis les années 60 et 70.

Elle attribue à l'économiste Friedrich von Hayek, plus qu'au philosophe Leo Strauss, la paternité de cette idéologie de droite, anti-État et anti-réglementation, devenue ce qu'elle appelle «la nouvelle religion populaire» ou «le nouveau bon sens» depuis Ronald Reagan -et qui s'était déjà imposée en Europe avec Margaret Thatcher.

Fini la «troisième voie»

À la défaite de Walter Mondale en 1984, les démocrates viraient à droite au nom de «la troisième voie»: dans les années 90, leur champion, Bill Clinton, démantela les services sociaux au nom de la lutte contre les déficits, et accentua la militarisation, écrit-elle. À Londres, le «New Labour» adopta la devise: «Nous sommes tous thatchériens maintenant.»

Jointe hier par téléphone à Paris, Susan George a déclaré à La Presse que «les crises, dont l'effondrement financier, ont fait le ménage, emportant ces idées aberrantes comme un tsunami, qui a laissé derrière lui la recette du New Deal et les idées économiques de John Maynard Keynes comme étant plus pertinents que jamais».

«Ce n'est pas fortuit que McCain accuse maintenant Obama d'être socialiste. C'est le réflexe primaire de la droite libertaire, qui revient aussi à la charge avec ce que j'appelle la politique du corps -créationnisme, antiavortement, cellules souches, et j'en passe», a-t-elle dit.

Pour Susan George, la sortie de crise passe par ce qu'elle appelle «un néo-keynésianisme vert, une forte intervention de l'État pour stimuler et réorienter l'économie vers le durable et l'écologique».

 

Susan George à Montréal

Susan George sera à Montréal lundi pour une grande conférence publique clôturant les activités du 25e anniversaire du Centre justice et foi (CJF), qui publie la revue Relations. La causerie a pour thème «Quel avenir pour les États-Unis?». Elle est prévue pour 19h au Gésu, 1200 rue Bleury (métro Place-des-Arts). Il y a un droit d'entrée de 25$ (10$ pour les étudiants et les personnes âgées).