Dans un pays où près de 46 millions de personnes n'ont pas de couverture maladie, les deux candidats à la Maison-Blanche font de la réforme de la santé américaine une priorité, mais, quel que soit l'élu, son application risque d'être repoussée aux calendes grecques.

L'un aspire à la couverture universelle, l'autre privilégie la liberté de choix: par des moyens différents, Barack Obama et John McCain poursuivent le  même but qui est d'ouvrir les soins au plus grand nombre, améliorer la qualité de la santé et en réduire les coûts. Leurs divergences sont principalement idéologiques. Pour le démocrate Obama, la couverture maladie est un «droit», pour le républicain McCain «c'est une responsabilité».

M. Obama veut garantir une couverture sociale accessible à tous, sous la forme d'un système en partie financé par l'État, tandis que M. McCain veut favoriser la concurrence sur le marché de l'assurance privée afin de faire baisser les prix.

«La principale différence entre les deux plans est dans la structure du marché de l'assurance santé. Le programme de McCain insiste sur le choix de la couverture par l'assuré en privilégiant la concurrence», tandis que celui d'Obama est centré sur une «Bourse nationale d'échange» d'assurance santé privée et publique, explique le Pr Mahmud Hassan, économiste à l'université Rutgers du New Jersey.

Pour Obama, «c'est un sujet personnel». Sa mère est morte d'un cancer à l'âge de 53 ans. «Je n'oublierai jamais comment elle a passé les derniers mois de sa vie sur son lit d'hôpital à se battre contre sa compagnie d'assurance, qui affirmait qu'elle souffrait du cancer avant d'être assurée, et ne voulait pas financer les soins», se souvient-il.

Le démocrate veut proscrire toute discrimination de la part des assurances privées, y compris quand la maladie est connue.

S'il n'entend pas rendre l'assurance maladie obligatoire, comme le voulait sa rivale Hillary Clinton, et s'il maintient le système actuel basé sur les employeurs, Obama crée une obligation, celle d'assurer tous les enfants.

Plus de 9 millions d'enfants ne sont pas assurés aux États-Unis et leur nombre double si l'on compte ceux qui sont exclus de manière ponctuelle, selon le Journal of the American Medical Association.

Pour McCain, «ouvrir le marché de l'assurance santé à plus de concurrence (...) donnera davantage le choix de produits innovants, sans les excès de la régulation étatique».

Le point central du plan McCain est la fiscalité. Il propose un crédit d'impôt de 5 000 dollars pour chaque famille, qu'il finance en taxant les primes d'assurance santé payées par les employeurs, mettant fin à la déductibilité par les salariés.

Environ 4,6 millions de personnes supplémentaires pourraient ainsi acquérir une assurance-maladie d'ici 2013 -- 29,6 millions selon le plan Obama, estime la Brookings institution, un centre de recherche à Washington.

Mais permettre un plus grand accès aux soins «augmentera la pression sur les médecins et les hôpitaux, ce qui nécessitera d'étendre le système existant», commente l'économiste Jeff Rubin, de l'université Rutgers du New Jersey.

Quel que soit le nouvel occupant de la Maison-Blanche, la réforme sera chère. Elle coûtera 1 300 milliards de dollars en dix ans si McCain gagne, 1 600 milliards si c'est Obama, selon la Brookings institution.

Mais les experts s'accordent à dire qu'une réforme n'a aucune chance d'être votée en début de mandat. Une étude du Lancet Oncology démontre que les 700 milliards destinés à sauver les banques compromettent toute réforme majeure.

«Cela sera le pire déficit budgétaire de l'histoire et un défi immense pour les deux projets», estime l'économiste Roger Feldman de l'université du Minnesota. Selon lui, la réforme paraîtra «marginale» dans le contexte de désordre financier.