Si Al-Qaeda ne semble pas en mesure de monter un gros attentat aux Etats-Unis, l'organisation pourrait peser sur l'élection présidentielle américaine soit en s'exprimant soit par des attaques contre des cibles américaines à l'étranger, estiment experts et analystes.

C'est ce que Démocrates et Républicains appellent «la surprise d'octobre»: un discours belliqueux d'Oussama ben Laden sur internet ou, pire, un assaut réussi contre une ambassade, susceptible de faire basculer les électeurs dans le camp de John McCain à quelques jours du 4 novembre.

«Les États-Unis, surtout en période électorale, ont considérablement renforcé leur sécurité», dit à l'AFP Dominique Thomas, spécialiste de l'islamisme radical à l'Ecole des hautes études en science sociale (EHESS).

«Donc, je pense plutôt à une cible américaine à l'étranger. Mais il faudrait que cela soit suffisamment spectaculaire pour avoir un impact sur la campagne».

Ce qui est certain, ajoute-t-il, c'est qu'un président républicain, après George Bush, aurait la faveur des milieux jihadistes. «Pour eux, un McCain serait susceptible d'entrenir leur vision d'une confrontation Islam-Occident».

«Sarah Palin, surtout, tient un discours de choc des civilisations qui sert totalement leur cause. Quatre ans de plus de confrontation, cela leur permettrait de s'exprimer».

Au sein de son cabinet «Terrorisc», Anne Giudicelli surveille les sites internet jihadistes.

Elle a remarqué «qu'ils en parlent». «Il y a l'idée, explique-t-elle à l'AFP, de tenter de peser sur les élections, comme il ont pu le faire en Espagne. Mais comme l'Amérique s'est sérieusement barricadée, s'ils peuvent faire quelque chose, ce sera davantage sur les fronts extérieurs.»

Deux des plus importants sites d'Al-Qaeda sont en outre bloqués depuis le septième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, réduisant la capacité de l'organisation à diffuser ses messages de propagande.

En 2004, cinq jours avant le scrutin Bush/Kerry, ben Laden avait délivré sa «surprise d'octobre» sous la forme d'une harangue de dix-huit minutes adressée au peuple américain.

Dans son livre «La doctrine du 1%», le journaliste Ron Suskind cite John McLaughlin, alors directeur-adjoint de la CIA, qui aurait dit le jour même lors d'une réunion: «Aujourd'hui, ben Laden a fait un joli cadeau au président» Bush.

Dans une interview au magazine Fortune, l'un des stratèges de John McCain, Charlie Black, avait reconnu qu'une nouvelle attaque représenterait «certainement un gros avantage» pour le candidat républicain.

Pour Richard Clarke, chef du contre-terrorisme américain entre 1998 et 2003, l'offensive anti-américaine à l'étranger a déjà commencé.

«D'abord, Al-Qaeda a organisé le 17 septembre un assaut important et sophistiqué contre l'ambassade au Yémen», explique-t-il, dans une tribune publiée le 2 octobre dans US News and world report.

«Le plan consistait semble-t-il à pénétrer dans l'enceinte, rassembler les Américains et les tuer dans des suicides à la ceinture explosive».

Selon lui, «les chefs du renseignement et de la sécurité américains sont inquiets. Ils admettent qu'il n'y a rien de concret pour suggérer une nouvelle attaque, mais ils craignent qu'Al Qaïda tente quelque chose, peut-être même sur le territoire des États-Unis».

L'une des menaces les plus concrètes pourrait venir de membres d'Al Qaïda venus d'Europe occidentale, avec passeports et visas en règle, impossibles à détecter à leur arrivée sur le sol américain, ajoute M. Clarke.