La Cour suprême des Etats-Unis a entendu lundi la plainte de trois fumeurs qui souhaitent poursuivre en justice le cigarettier Altria pour les avoir trompés en labellisant ses cigarettes «light» alors qu'elles n'étaient pas moins nocives pour leur santé.

 

Lors de l'audience, les neuf sages ont interrogé les avocats sur cette affaire, qui pourrait avoir de très importantes conséquences en termes financiers pour les cigarettiers, poursuivis par de nombreux anciens fumeurs sur des accusations comparables.

Ils ont notamment reproché à l'État américain et sa Commission fédérale du Commerce (FTC) d'être conscients depuis des années que les cigarettes «light» étaient aussi dangereuses pour la santé que les autres, mais de n'avoir pas agi en conséquence.

«Vous avez induit en erreur tous ceux qui ont acheté ces cigarettes depuis longtemps», a ainsi déclaré le juge Samuel Alito à l'avocat représentant le gouvernement Bush et la FTC, Douglas Hallward-Driemeier, qui tentait de soutenir la position des trois fumeurs contre le géant du tabac.

Mais c'est en fait la question de la possibilité pour les cigarettiers d'utiliser toutes les techniques de marketing pour promouvoir leurs produits qui est au centre de ce dossier.

Trois habitants du Maine (nord-est), fumeurs de Marlboro light et de Cambridge light pendant 15 ans, veulent poursuivre Altria en vertu de la loi de leur État, pour les avoir trompés, eux et la totalité des fumeurs de cigarettes «light», sur les risques qu'ils encouraient pour leur santé.

Le groupe Altria estime cependant qu'une clause de la loi votée en 1966 par le Congrès sur la labellisation et la publicité pour les cigarettes autorise, dans ce cas précis, la loi fédérale à préempter la loi de l'État.

Cette clause assure qu'«aucune demande d'interdiction fondée sur la relation entre tabac et santé ne devrait être imposée en vertu de la loi d'un État dans le domaine de la publicité et de la promotion des cigarettes».

Les neuf juges ont paru sensibles à cet argument en vertu duquel, puisqu'une loi fédérale existe et interdit de poursuivre les fabricants de tabac pour publicité mensongère ou trompeuse, la loi d'un État ne peut primer.

Mais la législation fédérale a été votée il y a 40 ans, à une époque où la relation entre tabac et cancer était méconnue.

Juridiquement, au delà des questions de santé publique, les neuf juges doivent surtout clarifier la portée de cette clause de préemption.

Une cour fédérale du Maine a en effet d'abord donné raison au cigarettier, avant que sa décision ne soit renversée en appel en sa défaveur.

La nécessité de trancher est d'autant plus urgente pour la Cour suprême que celle-ci avait rendu en 1992 un avis très partagé dans un cas similaire en Louisiane (sud). Quatre juges avaient alors estimé que la loi sur la labellisation et la publicité préemptait certaines plaintes déposées en vertu d'un loi d'un État, deux qu'elle les préemptait toutes, et trois qu'elle n'en préemptait aucune.

L'avocat d'Altria, Me Theodore Olson, a insisté lundi sur le fait que si le Congrès avait pris la peine de rédiger une clause de préemption, c'était bien dans le but que la loi fédérale prime sur celle d'un État.

L'avocat des quatre fumeurs a en revanche eu les pires difficultés, mitraillé par les questions des juges tant conservateurs que libéraux, à expliquer que cette procédure n'engageait qu'une question de «publicité mensongère» et non pas une question de relation entre l'activité de fumer et la santé.