Le sergent afghan Rafiullah aimerait un «combat d'hommes» avec les talibans. Mais l'ennemi est invisible ou a quitté Marjah, laissant derrière lui des bombes artisanales qui retardent l'avancée des soldats afghans et étrangers.

Déployé avec son unité dans le district de Nad Ali, dans le sud afghan, dans le cadre de l'opération Mushtarak (Ensemble), Rafiullah confesse n'avoir qu'une peur: sauter sur une des bombes artisanales posées par les talibans.

«Les talibans ne sont pas des bons combattants», assure le sergent, installé dans une ferme occupée jusque-là par les insurgés et prise durant le week-end par l'armée afghane.

«S'ils étaient des bons combattants, ils viendraient se battre sur le champ de bataille comme des hommes. Ils ne sont pas capables de se battre comme de vrais hommes», ajoute le sergent.

«Ils frappent dans le dos. Ils attaquent avec des bombes artisanales», déplore Rafiullah.

Selon des commandants militaires afghans et américains, les talibans ont quitté la plupart des villages des environs de Marjah, dans la province du Helmand, dès les prémices de l'opération mais ont posé des bombes sur les routes, sur les arbres et même dans les murs des maisons.

«J'ai peur des mines posées par les talibans. Même quand je vais simplement aux toilettes, je prends cela avec moi pour être certain qu'il n'y a pas de bombes cachées», dit-il en montrant un détecteur de métaux.

«Ils ont posé des mines partout», dit un autre soldat déployé dans le village de Haji Qari Saheb, assurant que, dans certains cas, elles sont déclenchées à distance par des femmes restées au village.

Depuis le début de l'opération, deux des quatre soldats de l'OTAN tués dans l'offensive ont péri dans des explosions de bombes artisanales. L'armée afghane, pour sa part, n'a perdu aucun soldat, mais son avancée est considérablement ralentie.

«L'ennemi pensait que nous marcherions sur leurs mines», souligne le général Besmillah Khan, le chef d'état-major de l'armée afghane, interrogé par l'AFP au camp Shorabak, dans le Helmand. «Mais vous voyez que notre tactique a fait qu'aucun de nos soldats n'a été tué dans une explosion».

«Pour protéger nos soldats, nous devons avancer très lentement» et des dizaines de bombes ont été désamorcées, assure le général Khan.

Selon le général Mohaidin Ghori, commandant des forces afghanes dans l'opération Mushtarak, l'utilisation de civils comme boucliers humains, combinée à la pose de bombes artisanales dans les environs de Marjah «a ralenti l'avancée de nos troupes». «Les mines des talibans et la peur de pertes civiles réduisent nos mouvements».

Selon un rapport d'opérations dont l'AFP a pu prendre connaissance, les troupes afghanes ont désamorcé une centaine de ces engins depuis le début de l'opération samedi.

Les talibans affirment avoir posé un nouveau type de bombes indétectables par les systèmes traditionnels, baptisés «Omar» en référence au leader taliban, le mollah Omar.

«Les Américains nettoient les routes puis nous avançons. Ils utilisent des chiens renifleurs d'explosifs et des véhicules de déminage», assure un soldat afghan blessé par balles samedi dans des combats.

Mardi, un porte-parole des Marines américains, qui orchestrent cette offensive forte de 15 000 soldats, s'est déclaré surpris par le nombre d'engins explosifs disséminés par l'ennemi.

«Nous en trouvons beaucoup plus que nous pensions», a reconnu le lieutenant Josh Diddams. De son côté, le général Larry Nicholson, qui commande les Marines sur place, a estimé que la sécurisation de la zone prendrait 30 jours.

Selon la Croix-Rouge, les bombes dissimulées en bordure de route empêchent aussi l'acheminement des blessés à l'hôpital de Lashkar Gah, à 20 kilomètres de Marjah.