Ce n'est pas le plus grand des chefs d'État, mais ça n'est pas une raison pour le faire paraître trop petit. La presse européenne s'est régalée hier des révélations selon lesquelles des ouvriers invités à paraître aux côtés du président français Nicolas Sarkozy ont été sélectionnés en fonction de leur petite taille.

La télévision belge RTBF a diffusé lundi un reportage sur une visite du président Sarkozy dans une usine de pièces automobiles, en Normandie. Tous les détails d'une telle sortie, explique le journaliste, sont minutieusement réglés pour éviter des dérapages. Jusqu'à la sélection des ouvriers qui se tiennent derrière le président sur l'estrade.

Oui, ils ont été choisis parce qu'ils ne dépassent pas 1m68, la taille du président, confirme timidement l'une des employées.

Une révélation anodine qui en dit cependant long sur cette époque centrée sur l'image, observe Luc Dupont, professeur à l'Université d'Ottawa. «Pour le meilleur ou pour le pire, la grandeur est un élément qui contribue à façonner la perception qu'on a des individus», dit-il. Des études ont déjà montré que les grands ont de meilleurs salaires ou que les électeurs font davantage confiance aux grands chefs. «Oui, ça peut paraître ridicule, concède M. Dupont. Mais nous vivons dans une société d'image.»

Talons plats de Carla

Ce n'est pas la première fois que le président Sarkozy fait parler de sa taille. La presse a depuis longtemps remarqué que son épouse, l'ancien mannequin Carla Bruni, porte des talons plats alors que les semelles des chaussures de son mari sont compensées. L'Élysée a-t-il émis des règles quant à la taille des figurants entourant le président, ou s'agit-il d'une initiative de l'entreprise? Un chef syndical a affirmé à Rue89 que la requête émanait de l'Élysée, alors qu'un porte-parole du président a qualifié de «grotesque» cette supposition.

«Le seul moment où la taille d'un politicien importait moins, c'était à l'époque de René Lévesque», dit Luc Dupont. Le chef du Parti québécois ne mesurait environ que 1m63 (5'3), «mais il s'en fichait», dit Jean-Jacques Stréliski, spécialiste en stratégie d'image chez Publicis, qui a côtoyé M. Lévesque.

«Je pense que le premier qui en souffre, c'est Sarkozy, mais ça ne change en rien la stature de la fonction qu'il occupe», dit M. Stréliski. La comparaison avec les anciens chefs d'État français désavantage évidemment Nicolas Sarkozy - Jacques Chirac et François Mitterrand étaient grands, sans parler du général de Gaulle du haut de son 1m90 - mais au sein du G20, il n'est pas le plus petit.

Dans la cour des grands

La chancelière allemande Angela Merkel a la même taille que Nicolas Sarkozy et le président russe Dimitri Medvedev est beaucoup plus petit que le président français.

Et le président italien Silvio Berlusconi? Difficile à dire. L'an dernier, il a déclaré: «Je suis plus grand que Poutine et Sarkozy, je suis grand comme Prodi (l'ancien chef du gouvernement italien). Je fais 1,71 m. Je ne comprends pas pourquoi tous les caricaturistes me représentent comme un nain alors que les autres ont droit à une taille normale.» D'autres sources indiquent que M. Berlusconi mesurerait plutôt quelques centimètres de moins...

Les chefs d'État souffriraient-ils du «complexe de Napoléon», ce complexe d'infériorité qui affecterait les hommes petits? L'empereur français aurait, selon la légende populaire, compensé sa petite taille en se hissant à la tête du pays et en menant des guerres dans toute l'Europe. Mais en réalité, Napoléon n'était pas petit pour son époque: 1,68 m, la même taille que Sarkozy. Sauf que ses généraux, plus grands que la moyenne, le faisaient inévitablement paraître plus petit. L'image, toujours l'image...