Le décès d'Omar Bongo, figure historique de la «Françafrique», a relancé le débat sur les relations de la classe politique française avec le continent noir, avec notamment des accusations de financement occulte.

Valéry Giscard d'Estaing a rompu mardi matin le silence entourant habituellement ce sujet, affirmant que le président gabonais avait financé en 1981 la campagne présidentielle de Jacques Chirac, qui se présentait contre lui au premier tour.

«J'ai appelé Bongo et je lui ai dit: "vous soutenez actuellement la campagne de mon concurrent", alors il y a eu un temps mort et il m'a dit: "Ah, vous le savez", ce qui était merveilleux. A partir de ce moment-là j'ai rompu mes relations personnelles avec lui», a raconté, jamais avare de piques contre son successeur, l'ex-président dont la tentative de réélection fut plombée par l'affaire des diamants reçus du dictateur centrafricain Bokassa.

Le bureau de M. Chirac, interrogé sur ces affirmations, n'a pas réagi.

Charles Pasqua, lui-même figure «françafricaine» et qui bénéficia d'un non lieu dans l'affaire Elf de financements occultes aux ramifications gabonaises, a lâché quelques phrases sibyllines.

Assurant que les financements occultes relevaient du «fantasme», il a rappelé qu'Omar Bongo «avait des amis aussi bien à droite qu'à gauche». Avant de suggérer de s'adresser «au niveau des présidents de la République».

Globalement, les hommes politiques ont couvert le défunt de louanges. Avec de rares exceptions, comme le Vert Noël Mamère dénonçant une «crapule», ou Eva Joly.

La nouvelle eurodéputée écologiste, ancienne juge de l'affaire Elf exécrée par Omar Bongo, a dénoncé la mal-gouvernance gabonaise et assuré qu'il avait «bien servi les intérêts de la France et des hommes politiques français».

En 41 ans de pouvoir, Omar Bongo aura connu tous les présidents de la Ve République. «Lui-même à l'origine agent de renseignement français installé (au pouvoir) par la France, il a continué,» explique Comi Toulabor, directeur de recherches au Centre d'étude d'Afrique noire de Bordeaux (sud-ouest de la France).

Pour cet expert, les accusations de Valéry Giscard d'Estaing n'ont «rien d'étonnant». «C'est quelque chose qu'on sait depuis très longtemps, mais très difficile à prouver. Bongo a souvent dit: si je veux détruire la classe politique française, je le peux. Jusqu'à sa mort, et même après, on n'a jamais entendu un politique français le critiquer».

Le président Nicolas Sarkozy, qui avait promis de rompre avec la «Françafrique», avait reçu Omar Bongo à l'Elysée moins de trois semaines après son élection, mais avait pris soin que sa première entrevue avec un chef d'Etat africain soit pour la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, la veille.

Mais le président gabonais assurait à qui voulait l'entendre que M. Sarkozy l'avait appelé dès le soir de son élection. Il avait obtenu en 2008 le départ du secrétaire d'Etat à la Coopération Jean-Marie Bockel, qui voulait «signer l'acte de décès de la Françafrique».

M. Sarkozy devrait d'ailleurs assister aux obsèques d'Omar Bongo. «Ce serait difficile de ne pas y aller, il y aura tous les chefs d'Etat africains,» explique son entourage.

Ce décès signera-t-il la vraie fin de la «Françafrique»? M. Toulabor en doute. «On voit de nouvelles générations, de nouvelles têtes, mais très peu de choses changent effectivement. Surtout s'il y a une succession dynastique», comme on en parle pour le Gabon.

Et de citer le Niger, où la France a été très discrète après que le président Mamadou Tandja, un temps présenté comme exemplaire de la «nouvelle Afrique», a annoncé un changement de Constitution pour se maintenir au pouvoir. Et où le groupe nucléaire français Areva a d'importants intérêts dans l'uranium.