L'Europe en a-t-elle trop fait en fermant son ciel au passage du nuage de cendres islandais? Des voix s'élèvent pour mettre en cause un excès de zèle des autorités au nom du «principe de précaution», comme lors de la pandémie de grippe.

Le lobby des compagnies aériennes, dont les pertes pourraient dépasser le milliard d'euros, est en première ligne pour juger la réaction excessive. Il met en doute les arguments scientifiques sur le danger des particules ayant servi à clouer les avions au sol bloquant ainsi des centaines de milliers de passagers. «Les Européens utilisent encore un système fondé sur un modèle théorique, au lieu de prendre une décision fondée sur des faits et une étude du risque», a protesté lundi le responsable de l'Association internationale du transport aérien (IATA), Giovanni Bisignani.

«L'analyse que nous avons faite jusqu'à présent, tout comme celle d'autres vols d'essai réalisés par d'autres compagnies, fournit de nouvelles preuves que les restrictions globales actuellement imposées à l'espace aérien sont inutiles», a renchéri le directeur général de la compagnie British Airways, Willie Walsh.

À ce jour, plus de 40 vols tests ont été effectués en Europe et aucune particule n'a été décelée sur les appareils, selon la Commission européenne.

Les interrogations sur le bien-fondé de la fermeture d'espaces aériens, d'une ampleur sans précédent depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, sont aussi nourries par le manque de coordination manifeste dans la réponse des pays européens, qui gardent leur souveraineté nationale en la matière.

Certains comme la République tchèque, ou dans les Balkans, ont décidé de rouvrir dès lundi leur espace aérien, tandis que d'autres maintiennent les restrictions. «C'est un embarras pour l'Europe et c'est une pagaille européenne», s'est indigné le directeur de la IATA.

Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Schuman, un centre de recherche sur les questions européennes, parle d'une «décision plus motivée par la crainte que par la science».

«Le vrai coupable serait-il ce fameux principe de précaution, ce symbole de la peur qui terrifie les décideurs et transfère toute la responsabilité sur une puissance publique qui n'en peut mais?», s'interroge-t-il.

L'utilisation croissante de ce principe dans le sillage de la crise de la vache folle dans les années 1990 suscite un débat controversé en Europe depuis déjà plusieurs années. Il pousse les pouvoirs publics à prendre des mesures d'interdiction en cas de doute pour se couvrir vis-à-vis de leurs opinions, notamment en matière de santé ou d'environnement.

Les gouvernements européens ont ainsi été accusés d'en avoir trop fait face à la pandémie de grippe H1N1 en lançant des programmes de vaccination de grande ampleur, qui se sont révélés après coup souvent inutiles.

Ils ont dû faire face à des reproches similaires plus récemment sur la dangerosité des OGM.

Dans l'affaire du volcan islandais, les autorités rejettent toutefois le grief, en soulignant qu'en cas d'accident elles auraient été accusées a contrario de n'avoir rien fait.

«Je pense qu'en matière de sécurité aérienne (...) on ne prend jamais assez de précautions», a déclaré le ministre français des Transports, Dominique Bussereau.

Un responsable américain a abondé dans ce sens en révélant lundi qu'un incident était survenu avec un chasseur bombardier F-16 de l'OTAN, dont les moteurs ont commencé à être «vitrifiés» par le nuage de cendres.