L'Agence de la santé publique du Canada lutte sur le terrain contre l'Ebola. Un laboratoire mobile de diagnostic a été déployé dans un centre de traitement des malades à Kailahun, dans l'est de la Sierra Leone. Notre collaboratrice a récemment visité ce laboratoire, qui joue un rôle crucial - mais insuffisant - dans la lutte contre l'épidémie.

Deux tentes, des tables en bois, une odeur de chlore et un ventilateur pour rafraîchir l'atmosphère étouffante. Au premier coup d'oeil, difficile d'imaginer qu'on utilise une technologie de pointe dans ce laboratoire mobile, installé dans le centre de traitement de l'Ebola de Kailahun, une région rurale dans l'est de la Sierra Leone.

«La technique employée [qui permet un diagnostic rapide] n'a rien d'extraordinaire. Le miracle, c'est de pouvoir faire ça ici», dit le professeur Paul Sandstrom, chef du laboratoire et directeur des Laboratoires nationaux du VIH et de rétrovirologie de Toronto, en mission en Sierra Leone pour cinq semaines.

Avec sa collègue, la technicienne de laboratoire Laura Hart (et leur équipement), il a été déployé ici par l'Agence de la santé publique du Canada. C'est la sixième équipe envoyée, depuis juin, en Sierra Leone. Chaque équipe compte deux ou trois membres. Une septième prend la relève ces jours-ci.

Des laboratoires mobiles comme celui-ci - créé par le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, qui étudie et manipule les virus et bactéries les plus dangereux sur la planète - ont été utilisés lors d'autres épidémies, notamment celle d'Ebola en République démocratique du Congo.

Ces laboratoires consistent en une dizaine de boîtes qui pèsent environ 25 kg chacune et peuvent être aisément transportées par avion, puis par camion. La présence d'un de ces laboratoires en Sierra Leone (il occupe deux des tentes du centre de traitement) fait partie de la participation du Canada à la lutte contre l'épidémie: plus de 110 millions de dollars ont déjà été promis par Ottawa.

Chaque jour, le laboratoire de Kailahun permet l'analyse d'environ 25 échantillons prélevés sur des personnes malades ou soupçonnées d'avoir contracté le virus, dans le centre de traitement d'une centaine de lits.



La dangereuse «boîte à gants»

Les conditions de travail des scientifiques sont éprouvantes, les mesures de sécurité sont strictes. À l'entrée de l'hôpital, chacun doit enfiler une tenue médicale et des bottes. On se lave les mains au chlore, la température corporelle est vérifiée.

«Quand j'arrive le matin, vers 8h, une boîte d'échantillons sanguins m'attend déjà devant la tente», dit Paul Sandstrom. De nouveaux patients arrivent quotidiennement et il n'y a pas de jour de répit.

La première étape, la plus risquée, est de neutraliser le virus. Pour cela, M. Sandstrom enfile deux paires de gants en caoutchouc, fixés aux poignets avec de l'adhésif, un masque protecteur et glisse ses mains dans les «manches» intégrées à une petite tente de plastique, qui fait office d'isolateur. Celle-ci est à pression négative, une protection pour éviter toute échappée d'agents contaminants à l'extérieur.

À l'intérieur se trouvent de petits tubes contenant chacun environ 2 ml du sang d'un patient. Et de l'eau de Javel, dont le scientifique asperge tout ce qu'il touche. «J'ai les mains complètement fripées lorsque je termine ma journée de travail», dit-il en ôtant ses gants violets. Une mauvaise manipulation de ces échantillons de sang le mettrait en grave danger. «Mais si on commence à trop y penser, on devient paranoïaque», ajoute-t-il, avec un grand sourire qui ne semble le quitter que lorsqu'il se concentre sur sa «boîte à gants», comme sont surnommés les isolateurs.

L'analyse de l'échantillon dira si le patient est positif à l'Ebola, ainsi que sa charge virale. Cela permet de confirmer qu'un nouvel arrivant a effectivement été infecté par le virus, mais aussi de voir si une personne qui a survécu et n'a plus de symptômes a une concentration suffisamment basse dans le sang pour ne plus représenter de danger pour son entourage, et peut donc quitter l'hôpital.

Dans bien des cas, la charge virale permet aussi d'établir un premier pronostic. «À un certain niveau, on sait que les chances de survie du patient sont très minces, voire inexistantes», reconnaît Paul Sandstrom. Sur chaque échantillon figure le nom, l'âge et le sexe du patient.

Aujourd'hui, quelques bonnes nouvelles, avec plusieurs survivants, dont une petite fille d'à peine 1 an. Mais un jeune homme de 19 ans, arrivé hier soir, présente une charge virale très élevée. Le virologiste n'a pas vu le patient, mais le résultat est sans appel: «Il est en phase terminale.»

Un atout majeur

La présence d'un laboratoire constitue un atout majeur pour le traitement des malades atteints du virus Ebola. «Nous pouvons donner les résultats des tests aux médecins en l'espace de quelques heures, constate le scientifique. C'est très rare, dans mon domaine, d'avoir ainsi l'occasion de travailler sur un spécimen, dont l'analyse a un effet immédiat, l'après-midi même.»

Dans de nombreux centres d'isolement à travers le pays, les patients doivent attendre plusieurs jours avant de recevoir leurs résultats, et les échantillons doivent parfois faire un long trajet sur des routes cahoteuses vers le laboratoire. Des moments cruciaux quand il faut séparer les patients sains de ceux qui ont contracté le virus et qui sont donc hautement contagieux.

Le laboratoire canadien n'analyse que les échantillons de sang prélevés dans le centre de traitement de Kailahun. Il a reçu des demandes d'autres hôpitaux, mais ne peut malheureusement pas faire plus. Pour lutter contre l'épidémie de manière optimale, chaque centre d'isolement ou de traitement devrait disposer de son propre laboratoire. En Sierra Leone, on en est loin.

PHOTO TANYA BINDRA, ARCHIVES AP

Un enfant est traité contre l'Ebola dans un centre de Makeni, en Sierra Leone, le 4 octobre.