L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré hier que le Nigeria est officiellement débarrassé du virus Ebola. Aucun nouveau cas n'a été détecté depuis le mois d'août, alors que la période d'incubation du virus est d'au plus trois semaines. En conférence de presse, l'OMS a vanté la réponse des autorités de ce pays de 174 millions d'habitants; l'Ebola aurait pu y faire des ravages, mais il n'a infecté que 19 personnes, dont 8 sont mortes. Voici les quatre leçons à tirer de l'approche nigériane.

Une intervention rapide

Le virus est entré au Nigeria en juillet par un avocat ayant la double nationalité nigériane et américaine, Patrick Sawyer. Il l'avait contracté au Liberia et s'est écroulé à son arrivée à l'aéroport de Lagos, où il s'était rendu pour éviter les hôpitaux du Liberia. Mais quand il a repris ses esprits, à l'hôpital, M. Sawyer a affirmé avoir simplement la malaria et a exigé d'avoir son congé. Comme les médicaments antimalaria ne donnaient rien, les médecins ont refusé de le laisser partir, même quand le ministère des Affaires étrangères du Nigeria a envoyé une demande spécifique à cet effet. Une infirmière qui a aidé à maîtriser M. Sawyer lorsqu'il a arraché ses tubes et tenté de s'échapper a notamment contracté la maladie et en est morte, tout comme le patient et le médecin qui a résisté aux pressions politiques et refusé de donner le congé. Cette fermeté des autorités médicales a permis d'identifier rapidement le «patient zéro» de l'épidémie au Nigeria et de limiter à une trentaine le nombre de personnes avec qui M. Sawyer a eu un contact direct entre le Liberia et le Nigeria.

Une hiérarchie claire

Une équipe de crise a été mise sur pied pour retracer les déplacements récents de M. Sawyer et cibler les gens qu'il aurait pu infecter. Il a fallu notamment une semaine pour retrouver la source de son infection au Liberia - un projet minier. Les 150 enquêteurs ont interviewé plus de 18 500 personnes et ont recommandé le suivi de près de 900 d'entre elles. Au total, un millier de personnes ont participé à l'opération Ebola. Un financement extraordinaire de 50 millions US a été demandé à la fondation Gates, notamment pour l'établissement de deux centres de traitement et de diagnostic à Lagos et à Port Harcourt, les deux foyers de l'épidémie au Nigeria. C'est d'ailleurs un système d'enquête sur la poliomyélite financé par la fondation Gates qui a été utilisé pour l'enquête sur l'Ebola. L'OMS a qualifié l'opération de «travail de détective épidémiologique de classe mondiale».

Communications publiques

Pour contrer les rumeurs, les superstitions et la peur, le ministère de la Santé a misé sur l'éducation par les réseaux sociaux - le Nigeria a un taux de pénétration des téléphones portables très élevé pour la région, puisque 10% de la population a un téléphone intelligent - et des campagnes de publicité plus traditionnelles. L'OMS note dans un rapport sur le Nigeria que l'une des croyances les plus surprenantes était qu'on pouvait guérir de l'Ebola en buvant de grandes quantités d'eau. L'OMS rapporte que l'éducation auprès du public et des employés du système de santé a permis un diagnostic rapide, un taux de mortalité plus bas que dans les autres pays touchés et donc une confiance de la population envers les services publics. Tout cela a permis de cibler les nouveaux cas rapidement, avant qu'ils ne propagent le virus.

Pas de politique

Les différents partis et ordres de gouvernement ont collaboré pleinement à l'opération Ebola au Nigeria. En marge de la conférence de presse, des spécialistes des centres de contrôle des maladies ayant participé à la lutte contre le virus au Nigeria ont comparé favorablement cette coopération aux récriminations entre républicains et démocrates aux États-Unis au sujet des infections survenues à Dallas.