L'infirmière américaine infectée par le virus Ebola a reçu lundi une transfusion de plasma sanguin provenant du médecin américain qui a vaincu le virus. En l'absence d'un médicament pour combattre Ebola, les autorités médicales espèrent que cette technique aidera la jeune femme à guérir, même si son efficacité n'est pas encore été prouvée. La Presse en a discuté avec le docteur Gilles Delage, microbiologiste et vice-président aux affaires médicales à Héma-Québec.

Comment ça fonctionne?

C'est dans le plasma sanguin que l'on retrouve les anticorps. L'idée est donc de transporter chez une personne infectée les anticorps développés par la personne guérie. «Il faut que ce soit quelqu'un qui est guéri, mais qui est encore convalescent, explique le Dr Delage, car c'est durant la convalescence que le taux d'anticorps est le plus haut.»

Puisque le virus Ebola agit très rapidement, la transfusion permet de gagner un temps précieux. «L'idée de donner le plasma, c'est que les anticorps sont préformés, ils sont déjà là. Quand une personne est infectée, développer les anticorps prend un certain temps, jusqu'à une semaine. C'est trop long.»

Pourquoi prendre uniquement le plasma?

On ne prend que le plasma, qui est la composante liquide du sang, car c'est lui qui contient les anticorps. «Il n'y a pas d'intérêt à donner les autres composantes [globules, plaquettes]. Si l'on ne pouvait pas séparer le plasma, on pourrait toujours donner le sang au complet, mais ça augmenterait les problèmes de compatibilité», explique le Dr Delage.

Ces problèmes sont d'ailleurs un obstacle dans les pays africains touchés par l'épidémie d'Ebola. «En Afrique, on ne peut pas séparer le plasma du sang partout, car la technologie n'est pas toujours présente.» N'empêche, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un guide à la fin de septembre pour encourager les autorités médicales à recourir à la technique de transfusion.

Est-ce efficace?

«Jusqu'à maintenant, c'est un traitement anecdotique, affirme le Dr Delage. Il a été réalisé sur une dizaine ou quinzaine de personnes dans le monde. Il n'a jamais été l'objet d'un essai clinique encadré, mais les données sont encourageantes dans la littérature médicale.»

L'Organisation mondiale de la santé rappelle que la thérapie par transfusion de plasma avait été utilisée lors de l'éclosion d'Ebola de 1995 en République démocratique du Congo. Huit patients infectés avaient reçu une transfusion de plasma prélevé chez des personnes récemment guéries. Sept d'entre eux avaient survécu, mais l'OMS reconnaît que rien ne permet de déterminer si le traitement a joué un rôle dans leur guérison.

Est-ce que ça pourrait être utilisé à plus grande échelle?

La question est très hypothétique, car des traitements médicaux à l'efficacité mieux déterminée pourraient éventuellement être homologués, mais le Dr Delage se prête au jeu des hypothèses. «Admettons qu'on découvre un vaccin qui fonctionne, illustre-t-il, on pourrait envisager de recourir à des donneurs de plasma qui auraient reçu le vaccin et développé les anticorps.»

Ainsi, ces donneurs deviendraient ni plus ni moins que des fabriques d'anticorps qui pourraient être introduits dans le sang de victimes infectées avant même qu'elles ne développent les leurs, prenant ainsi de court le virus, mais le Dr Delage est réaliste: «On en a pour un bout de temps avant d'en arriver là.»

Explosion du nombre de cas prévue en décembre

L'épidémie de fièvre Ebola n'est pas près de se résorber. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a prévenu hier que le nombre de cas pourrait même exploser en décembre, en Afrique de l'Ouest. Et les autorités médicales disent encore manquer de moyens pour lutter contre le virus. Voici cinq nombres à retenir.