Les pays africains en proie à l'épidémie d'Ebola avouaient jeudi leur impuissance à juguler par leurs propres moyens la progression du virus, malgré l'état d'urgence sanitaire déclaré dans chacun d'entre eux, dernièrement en Guinée, après la Sierra Leone, le Liberia et le Nigeria.

Le président américain Barack Obama s'est entretenu avec ses homologues libérienne Ellen Johnson Sirleaf et sierra-léonais Ernest Bai Koroma pour les assurer de l'engagement des États-Unis, soulignant le rôle des experts des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) envoyés dans leurs pays pour aider les autorités sanitaires.

Au même moment, le département d'État américain annonçait l'évacuation «par précaution» des familles de son personnel diplomatique à Freetown.

«Nous devons encore briser la chaîne de transmission entre contaminés et non contaminés», a reconnu le responsable des services médicaux sierra-léonais, le Dr Brima Kargbo lors d'une réunion au Parlement.

«Maîtriser une maladie de la gravité d'Ebola nécessite une équipe spécialisée de cliniciens et d'infirmières dont le pays ne dispose pas. Pour le moment, nous ne pouvons compter que sur l'ONG Médecins sans frontières (MSF), également active au Liberia et en Guinée», a-t-il souligné.

Les services de santé sierra-léonais ont affirmé que 32 infirmières avaient succombé à Ebola, soit près de 10 % des cas mortels.

La ministre de la Santé Miatta Kargbo a par ailleurs annoncé l'envoi par l'Afrique du Sud d'un laboratoire mobile, attendu vendredi, qui «sera installé dans la capitale pour analyser des échantillons sanguins à la fois de l'Ouest et du Nord», autour de Freetown.

Le Liberia voisin, qui a reçu mercredi des doses d'un sérum expérimental américain prometteur pour traiter deux médecins contaminés, le ZMapp, a commencé des travaux d'extension de l'unique centre de traitement de sa capitale, Monrovia, aux capacités largement dépassées.

«Nous avons besoin d'agrandir cet endroit parce que de plus en plus de personnes arrivent chaque jour grâce à la sensibilisation», a expliqué le responsable du centre, Nathaniel Dovillie.

Malgré la multiplication de mesures de plus en plus draconiennes, l'épidémie continue à progresser rapidement dans la capitale du Liberia, où l'état d'urgence a été proclamé le 6 août, cinq jours après la Sierra Leone.

Impact financier

En Guinée, d'où est partie l'épidémie au début de l'année, le président Alpha Condé a décrété mercredi soir «l'urgence sanitaire nationale».

Parmi les mesures prises figure la mise en place d'un «cordon sanitaire tenu par les agents de santé et les services de sécurité et de défense à tous les postes frontaliers d'entrée».

Elles prévoient également des restrictions de mouvements, l'interdiction de transférer des corps d'une localité à une autre, des prélèvements et l'hospitalisation systématique «pour tous les cas suspects» jusqu'au résultat des analyses.

À Conakry, un transporteur routier, Alfa Baldé, a déploré «une réaction du gouvernement très tardive», soulignant que «si le monde entier souffre aujourd'hui de cette épidémie c'est à cause de la Guinée».

Selon une commerçante de friperie, Kadet Diawara, «Alpha Condé a pris une sage décision». Mais, a-t-elle ajouté, «je crains qu'elle ne soit trop tardive». «Aujourd'hui, nous avons peur même de nos clients».

Le marché hebdomadaire du jeudi à Pita, à environ 350 km au nord de Conakry, a été annulé par les autorités locales.

Le Nigeria, géant économique et démographique du continent, a enregistré un quatrième mort jeudi à Lagos, ville la plus peuplée d'Afrique subsaharienne, et redoutait une contamination à Enugu, dans l'Est, par une infirmière infectée.

Selon une étude publiée par l'agence de notation américaine Moody's, «l'épidémie risque d'avoir un impact financier direct sur les budgets des gouvernements via une augmentation des dépenses de santé».

Une première évaluation des institutions financières internationales table sur un point en moins pour la Guinée à 3,5 %, rappelle l'étude. Le Liberia anticipe une croissance inférieure aux 5,9 % prévus tandis qu'en Sierra Leone, «le taux de croissance record de 16 % en 2013» est hors de portée.

Au Nigeria, premier producteur pétrolier du continent, les activités d'extraction n'ont pas été significativement affectées, mais risquent de l'être si les compagnies pétrolières évacuent leur personnel expatrié, indique Moody's.

Dans la région, la Gambie, limitrophe de la Guinée, a suspendu les vols en provenance de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone.

L'épidémie d'Ebola, la plus grave depuis l'apparition de cette fièvre hémorragique en 1976, a fait 1069 morts : 377 en Guinée, 355 au Liberia, 334 en Sierra Leone et 3 au Nigeria, selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) arrêté au 11 août.